Chroniques

Alger et Rabat condamnés à s’entendre ?

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Compromis
Devant les multiples pressions sur le régime algérien qui s’annoncent et qui proviennent à la fois du rouleau compresseur des performances diplomatiques marocaines et cette dynamique internationale favorable au Maroc, Alger n’a en réalité d’autre choix que de chercher une porte de sortie à sa crise avec le Maroc.

 

Le Maroc et l’Algérie sont- ils condamnés à s’entendre en fin de compte ? Même si la question paraît incongrue dans le contexte de tension entre les deux pays, elle est d’une grande pertinence au regard des enjeux régionaux et des évolutions internationales. La relation entre le Maroc et l’Algérie, marquée par la rupture, le défi et une menace de déflagration régionale, semble faire partie d’une autre ère politique. Elle interpelle par son irrationalité et angoisse par ses enjeux sécuritaires.
Et pourtant pour le Maroc, ce n’est pas faute d’avoir essayé de dégoupiller la crise entre les deux pays. Le Roi du Maroc a régulièrement tendu la main aux autorités algériennes pour parvenir à une entente politique et créer le compromis qui assure la stabilité et la prospérité régionales et relance les rêves unitaires des populations du Maghreb.
Le régime algérien a toujours répondu par l’escalade médiatique et diplomatique. Comme si son propre intérêt n’était pas celui de se rapprocher du Maroc et d’ouvrir une nouvelle page avec lui. Comme si son intérêt stratégique était de maintenir cet état de ni guerre ni paix avec le voisin marocain.

Aujourd’hui un des grands indicateurs que la normalisation des rapports entre Rabat et Alger pourrait être une hypothèse sérieuse dans les tuyaux de la diplomatie régionale réside dans cette évolution inévitable et attendue de ce mois d’octobre au sein de Nations Unies, incarnation du droit et de la légalité internationale. L’ONU s’apprête à octroyer au plan de l’autonomie proposé par le Maroc un caractère unique et exclusif comme solution de sortie de cette crise régionale.
Cette évolution ne pourra pas laisser le régime algérien indifférent. Elle actera la volonté internationale d’adopter le principe de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur son Sahara et mettra le régime algérien, parrain du Polisario, devant ses responsabilités directes et ses contradictions. Avec une obligation de changer de braquet et de s’adapter aux nouvelles donnes internationales.

Les plus pessimistes affirment que la nature même du régime algérien l’empêchera de changer de logiciel là où n’importe quel compromis avec le Maroc passera fatalement par le lâchage algérien du Polisario. Une démarche qui paraît aujourd’hui impossible à imaginer de la part d’une institution militaire algérienne qui a fait du séparatisme du Polisario son grand dessein stratégique. Et pourtant une séquence, notamment celle pilotée par les Américains, s’annonce très menaçante pour le régime algérien. La logique actuelle est la suivante. Ou le régime algérien se plie volontairement aux désirs de la communauté internationale de trouver une issue finale à cette discorde régionale sous souveraineté marocaine, ou l’administration américaine travaillera à qualifier le Polisario comme une organisation terroriste, transformant par la même occasion le régime algérien en pays parrain du terrorisme, comme l’étaient la Syrie de Bachar El Assad, la Libye de Mouammar Kadhafi ou l’Iran d’aujourd’hui.

Mais devant les multiples pressions sur le régime algérien qui s’annoncent et qui proviennent à la fois du rouleau compresseur des performances diplomatiques marocaines et cette dynamique internationale favorable au Maroc, Alger n’a en réalité d’autre choix que de chercher une porte de sortie à sa crise avec le Maroc.
Rabat a posé depuis longtemps ses lignes rouges et a affirmé que le plafond des concessions que le Maroc peut faire sont à trouver dans le plan d’autonomie proposé en 2007. Le régime algérien doit donc imaginer des solutions qui soient compatibles avec les exigences marocaines. En dehors de ce schéma, le statu quo restera maître de la situation. Avec une double réalité, celle du Maroc dont la puissance et l’influence se confirment de jour en jour et celle du régime algérien qui vit une solitude, un isolement et une érosion qui finiront par l’emporter.

D’ailleurs les tensions internes au régime algérien sur ces questions de voisinage et de priorités nationales commencent à faire surface comme le montrent les guerres de clans autour du pouvoir de Abdelmajid Tebboune. L’architecture du pouvoir algérien est condamnée à une déchirure, entre ceux qui veulent tourner la page du défi, de la rupture et de l’attitude agressive envers le voisinage, et ceux qui veulent passer à autre chose et tenter de normaliser les rapports de l’Algérie avec son environnement arabe, africain et méditerranéen. Le destin du pays dépend largement du clan qui finira par remporter cette bataille.

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