Chroniques

Aujourd’hui le Makhzen : Citizen Ali

Tu me casses les pieds, Ali. Je me disais que c’était Hchouma de m’en prendre à quelqu’un, en humain que je suis. Et puis, voilà, tu continues à déconner. C’est pas mon genre, mais la tentation de te donner une baffe de moi s’empare. Je me dis encore que c’est Hchouma d’en arriver aux poings. Ou plutôt d’en user, en tant qu’être humanisé. Mais tiens, je t’en donne une, même si c’est Hcouma. A mettre sur le compte de l’hypoglycémie, en ce mois sacré de Ramadan que tu feins de respecter. Les feintes, j’avoue, que c’est l’une de tes spécialités. Tu excelles aussi et rien que dans les coups bas et la calomnie. C’est bien d’être débrouillard, de jouer à l’attrape-tout, par les temps qui courent, et de laisser l’honnêteté aux autres. Elle ne nourrit plus son artisan. Tant pis, s’il y a encore des irréductibles et des chevaliers de la profession. Normal que nous ne soyons pas du même bord, puisque nous n’appartenons pas exactement au même métier. Ce n’est pas le même cadre. Ni la même définition, ni les mêmes engagements. Il va falloir, cher Ali, combattre le hiatus indélibile et l’analphabétisme cruel qui te ronge, pour une mise à niveau sérieuse. Mais l’élève, tel un mauvais enfant, se complaît dans le silence et le mépris.
Le dard du mépris, comme celui d’une vipère solitaire et en chaleur. Tel un bohémien qui écarte tout ce qui dérange l’esprit déjà dérangé, reproche à ceux dont il veut la mort l’ascension dans la Cour des grands qu’il a pourtant vainement et servilement recherchée. Services et complaisances refusés, par ce même Makhzen, aujourd’hui voué aux gémonies, il n’y a plus que le néant et Satan.
Heureusement, il y a les généreux voisins, les copains et les coquins, les généraux recruteurs qui veillent sur l’esprit dérangé, à coups de câlins, et dorent sur tranche les bavardages imbéciles. Tel un avocat bien rémunéré, cash et à l’avance, trouve toujours juste la « cause » qu’il défend. En faisant feu de tout bois. Ca réchauffe le coeur et le corps, dans cet univers glacial. Mais les privations sont source de création et la fertilité de l’esprit n’a pas de limite. J’imagine, parfois, Ali-le-fax exercer un autre métier. Embarras du choix pour un journaleux prétendant à la polyvalence de la compétence. Il excelle dans l’enquête, le RAPPORTage, les portraits robots, et d’autres genres de la filature et de la proximité. Je crois qu’il a raté sa vocation multiforme. Il peut tout faire : enquêteur de la police judiciaire, avocat commis d’office, procureur et juge. Il peut être aussi la partie plaignante, civile, témoin à charge et à décharge. La polyvalence, Messieurs.
Maintenant, puisque sa vie importe peu pour lui, le Makhzen doit veiller sur le citizen El Morabit. Il ne s’agit pas de contrôler sa langue de vipère, mais plutôt son alimentation, ses fréquentations et ses passages. On ne sait jamais, on pourrait avoir un disparu ou un mort sur les bras. On ne sait jamais surtout qu’il voit partout des flics, des barbouzes. Les bocadillos, les conserves espagnoles périmées, un break ou une overdose peuvent être fatals. Le Makhzen doit organiser la veille sur ce VIP et tous les honneurs qui vont avec. Et vive la protection rapprochée contre le mort stupide et l’imbécile heureux. C’est de la proximité et à la mode. M

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