Chroniques

Autrement : critiquer «Dieu» ?

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La critique devient nécessaire lorsque l’on prend conscience de cette distance entre ce que Dieu est réellement, «Dieu» en soi , et nos représentations limitées – et multiples – de Lui. Il faut rappeler que les religions ont besoin précisément de la critique sur ce point, car elle leur rappelle que le Référent absolu, l’Ultime, «Dieu», leur échappe et n’est pas leur propriété. Dieu n’est la propriété de personne. Il est dit «ultime» dans la mesure où personne ne peut en faire sa chose. Il est dit « absolu » parce que, comme le dit ce mot, il est délié de notre humanité. Les religions se fondent sur ce qu’elles considèrent être une révélation, un événement fondateur, une parole de commencement qui est «instituante». Cette parole institue une religion et, à ce titre, elle inaugure une histoire. Il y a une différence entre la révélation qui fonde la religion et  les formes à travers lesquelles celle-ci s’incarne, se traduit. Si toutes les religions se fondent sur une parole de révélation, aucune d’elles n’est révélée dans ce qu’elle deviendra plus tard. Autrement dit, ses formes, son discours, ses rites et ses pratiques, son rapport au texte fondateur restent contingents, construits en partie par une culture et déterminés par des éléments qui ne sont pas révélés et que la théologie, comme interprétation de la révélation, doit éclairer et justifier. Rappeler cette distance entre l’événement fondateur et les formes culturelles qui nous permettent de le comprendre, de le saisir, c’est justement ce qui fonde et légitime aussi la critique. La critique doit porter, entre autres, sur le volet politique. Elle refuse l’instrumentalisation du religieux à des fins idéologiques. Mais elle défend aussi l’humain, l’humanité lorsque celle-ci est contestée au nom du religieux. Voltaire ironisait en disant : «Plus on donne à Dieu et plus on retire à l’homme». C’est un risque, en effet. On peut aussi rappeler le procès qui est fait à la religion en tant qu’instrument d’aliénation. La critique est bénéfique car elle refuse la subordination du religieux par le politique. La critique rationnelle, elle, appelle les penseurs de ces religions à préciser leurs énoncés, à clarifier leurs présupposés intellectuels et aussi à mesurer les incidences politiques, humaines, sociales, culturelles de ce qu’ils avancent. En effet, le rapport au religieux construit un rapport particulier au monde et au réel. Or, nous vivons dans le temps de l’histoire. Et il faut avoir le courage de revenir sur les catégories qui nous permettent de «penser Dieu» ou la religion, pour retrouver un autre rapport au réel, au monde, aux autres, au social, au politique et à Dieu même. La critique n’est pas seulement utile au religieux pour rappeler la relativité de ses expressions. Elle est aussi nécessaire parce qu’une religion non critiquée, «dogmatique» comme on dit, a vite fait de devenir liberticide, de se transformer en loi tyrannique et de se prétendre le propriétaire de son référent ultime. Et d’être en deçà de Dieu.

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