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Autrement : Elle aura bien sa place au Paradis

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Ses proches la surnomment «Lih» (pourquoi). C’est que depuis toute petite déjà, étonnée par les différences de traitement entre filles et garçons, Nawal al-Saadawi posait des questions. Pas seulement pour comprendre, mais aussi pour démonter les systèmes sur lesquels reposent l’oppression et la maltraitance des femmes. Aujourd’hui âgée de 77 ans, ce médecin devenue la passionaria du féminisme égyptien, et plus largement arabe, n’a pas encore dit son dernier mot. Invitée d’honneur du Forum mondial des femmes qui se déroule actuellement à Madrid, elle continue ses combats, politique et idéologique.
Inlassablement, et en dépit de toutes les menaces qui pèsent sur elle. Il y a encore un an et demi, début 2007, le Conseil scientifique de l’Université d’Al-Azhar – qui n’en était pas là à son premier fait d’armes- condamnait sa pièce de théâtre intitulée «Dieu démissionne au sommet». Il en faisait même interdire la vente avant que le procès ne soit lancé. Il en faut beaucoup plus pour impressionner celle qui fut emprisonnée dès 1981 par Sadate – elle en fut libérée à la mort de ce dernier. C’est le directeur de cette prison qui sans le savoir va lui donner la force de continuer : «si je trouve sur toi un pistolet, c’est moins grave que si je trouve un crayon», lui dit-il à son arrivée. Nawal al-Saadawi, qui ne s’en laisse pas conter, aura désormais à cœur d’écrire, dans n’importe quelles conditions. C’est sur du papier hygiénique, « assise sur une poubelle renversée, face au lavabo », qu’elle écrit Mémoires de la prison des femmes, paru en 2001.
Au début des années 90, son nom figure sur les listes des personnes à tuer dressée par les islamistes. En 2001, un avocat, sur la base de la Hesba, principe islamique qui autorise tout musulman à engager des poursuites contre tout coreligionnaire nuisible à l’Islam lui intente un procès suite à un article où elle s’opposait, entre autres, à la loi sur l’héritage et disait que le voile n’avait rien à voir avec les principes islamiques. Or, l’accusation d’apostasie sonne pour les intégristes comme un permis de tuer: l’écrivain Farag Foda, assassiné en 1992, en est une victime emblématique. C’est dire la gravité de l’accusation portée contre elle.
A ces menaces, Nawal al-Saadawi répond à sa manière: en écrivant. Son travail, son combat, son talent, sont aujourd’hui salués dans le monde entier. Elle ne compte plus les prix littéraires et est docteur Honoris Causa de l’Université de Bruxelles depuis novembre 2007. De quoi lui donner la force de jurer aux gardiens du temple orthodoxe, embusqués à attendre la moindre de ses incartades : «je ne quitterai jamais mon pays ni mon mari». Prouvant ainsi par le geste ces mots par lesquels s’ouvre son site : «Aux femmes qui ont choisi de payer le prix de la liberté plutôt que de verser le prix de l’esclavage».

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