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Autrement : Islam-Europe : Un rendez-vous manqué?

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C’est devenu, hélas, presque banal. Des manifestations anti-Islam où de jeunes européennes se parent de burqas tout en brandissant des panneaux avec des mosquées barrées de grosses croix rouges, des partis d’extrême-droite qui en Belgique, en Allemagne ou en Autriche, ont fait du combat contre l’Islam leur nouveau credo: tous ces signes, récurrents depuis quelques mois, témoignent sans nul conteste d’un durcissement très net contre l’Islam. Le summum devait être atteint ce week-end à Cologne, en Allemagne, où le parti d’extrême-droite Pro-Köln devait organiser durant trois jours la première conférence jamais dédiée à la lutte contre l’Islam. L’élément déclencheur? Le projet de construction de la plus grande mosquée d’Europe qui doit être bâtie dans cette ville et qui a été entériné juste cette semaine. Sans une forte mobilisation de la gauche allemande qui a contraint les organisateurs samedi à annuler l’événement, ces trois jours auraient bel et bien épanché une islamophobie qu’on ne prend même plus la peine de nuancer.
Mais qu’est-il donc arrivé à l’Europe pour que des personnes puissent même seulement imaginer tenir une conférence contre l’Islam ? La situation internationale ne suffit pas à expliquer seule ce phénomène. Le terrorisme islamiste est certes grandement responsable de la dégradation de l’image de l’Islam dans le monde : les discours radicaux, voire menaçants, tenus par ses adeptes n’ont pas vraiment de quoi rassurer. Mais tout le monde sait que ces discours restent très minoritaires, et les musulmans dans leur immense majorité sont les premiers à les condamner puisqu’ils en sont bien souvent les premières victimes. C’est plutôt ce qui se passe en Europe qui contribue à creuser la méfiance, quand ce n’est pas le rejet, à l’égard de la religion musulmane. L’affaire dite «du voile» en France, l’assassinat du cinéaste hollandais Théo van Gogh, l’épisode des caricatures danoises avec toutes les réactions qui s’en sont suivies: autant d’évènements qui ont exacerbé cette image négative de l’Islam.
Il est vrai que la présence de l’Islam sur un territoire, spatial et intellectuel, qui a depuis longtemps mis à distance la religion, ne pouvait pas ne pas poser question, à un moment ou à un autre. Certains pays s’en accommodent mieux que d’autres, mais la situation n’est pas insolvable car les musulmans européens dans leur grande majorité arrivent à vivre très sereinement leur foi et leur pratique sans revendications particulières ni prosélytisme intempestif. Mais la dimension polémique fait souvent oublier le côté nécessairement fécond de cette présence.
Car l’Islam oblige les pays européens à repenser leur identité et leur horizon culturel : en ce sens il est une chance pour l’Europe. Mais l’inverse est aussi vrai : l’Islam peut apprendre de l’Europe, pour nourrir sa pensée, sa philosophie, et ouvrir le champ de son exégèse. Pour cela, il faut qu’il se sente en confiance, et non guetté, épié, traqué. Car il n’y a que lorsqu’on est confiant dans ce que l’on est pour les autres que l’on peut avancer.

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