Chroniques

Autrement : Les «Gens de la Caverne»

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J’ai déjà évoqué à deux reprises, dans ces colonnes, certaines questions que pose la lecture de la sourate 18, d’abord à propos de la mention qui est faite du «bicornu» (Alexandre le Grand) , ensuite au sujet du mystérieux initiateur de Moïse (appelé dans la tradition «le Verdoyant» ). Mais cette sourate est aussi celle (versets 17 à 25) qui raconte l’histoire des «Gens de la Caverne», appelés également les «Gens de la Tablette».
Selon le texte coranique, les «Gens de la Caverne» sont un groupe de jeunes gens accompagnés d’un chien, qui sont restés trois cents années solaires endormis dans une grotte, jusqu’au jour où ils furent découverts et où ils s’éveillèrent. Le récit témoigne que le rappel de cette histoire a été fait au prophète dans un contexte polémique, avec des gens qui en discutaient, sans doute des Juifs ou des chrétiens. On relève, de fait, toute un débat sur le nombre des jeunes gens. Etaient-ils trois? Cinq? Sept?
Le monde chrétien de l’époque de la révélation coranique, connaissait, en effet, une histoire qui rejoint celle évoquée par la sourate 18. Des manuscrits syriaques des V ème et VI ème siècles de l’ère présente, rapportent que, au milieu du III ème siècle, l’empereur romain Dèce lança une grande persécution contre les chrétiens. Refusant d’abjurer leur foi, sept jeunes hommes ayant des charges importantes dans l’empire, partirent se réfugier dans une grotte située sur le mont Célion, près d’Ephèse (Asie Mineure). Ils tombèrent alors dans un profond sommeil, et ils ne se réveillèrent que plusieurs dizaines d’années plus tard, sous le règne de Théodose 1 er (fin du IV ème siècle). Plusieurs versions de cette histoire existent, dont celles qui rapportent que les sept jeunes gens étaient accompagnés d’un chien. Cet animal, que la tradition musulmane a nommé «Qitmir», est considéré par plusieurs commentateurs comme l’un des quatre animaux qui auront une place au paradis.
En islam comme en christianisme, ces jeunes gens emmurés incarnent des croyants opprimés par une force politique, qui ont décidé de s’exiler volontairement et de s’en remettre à Dieu. Devant leur foi inébranlable, le Créateur décide donc de les sauver. Leur long endormissement et leur réveil, renvoient, par ailleurs, à l’espérance de la résurrection au bout de la mort. Dans la mystique musulmane, les «Gens de la caverne» représentent l’éternelle jeunesse de l’amour divin, et la fidélité de l’amant envers l’Aimé (Dieu) au-delà de toute temporalité.
Depuis plus de quatorze siècles, l’histoire de ces jeunes gens s’est diffusée dans tout le monde méditerranéen… et jusqu’en Bretagne et au Turkestan chinois. La plupart du temps, elle est connue comme celle des « Sept Dormants ». Plusieurs grottes dans le monde, y compris au Maghreb, rappellent leur souvenir et constituent parfois des lieux de pèlerinage pour des musulmans comme pour des chrétiens. Selon les spécialistes de la littérature mythologique universelle, ce thème de personnages endormis longuement se retrouve dans de très nombreux récits. Des parallèles sont faits avec la Belle au bois dormant et avec Blanche Neige dans son cercueil de verre. Car qui n’a pas rêvé de s’endormir et de se faire oublier, pour mieux se réveiller là où on ne l’attend pas?

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