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Autrement : Nuit de la philo à Marrakech

© D.R

Tapis d’Orient d’un bout à l’autre de la pièce. Ambiance feutrée au cœur de Marrakech, sur fond de musique envoûtante qui sera bientôt interrompue de chants, de poésies…et d’interventions philosophiques. Oui, d’interventions philosophiques : Hegel, Platon, Nietzsche, Al Kindi, Ibn Khaldoun, Ibn Rochd, s’invitent ce soir dans la ville pourpre pour parler de la croyance, du temps, du plaisir, du désir, de l’histoire, de la raison, de la mort, de l’amour…
Il est vingt heures ce vendredi à HEM (Hautes études de management), école moderne de commerce, et «La nuit de la philosophie» est sur le point de commencer. Pourquoi une nuit de la philo dans une ville qui brille par ses paillettes ? Pourquoi une école de commerce s’intéresse-t-elle à la philo ?
Rares sont les écoles supérieures au Maroc à avoir compris que la modernisation technique ne suffit pas à moderniser un pays. Que le progrès technologique, industriel, commercial, financier ne suffit pas, seul, à faire progresser une société. La sophistication technique sans pensée critique ressemble à un corps livré à lui-même. Or, un corps ne saurait vivre sans esprit. La modernité ne saurait être qu’un corps, car elle serait vouée à périr. C’est pourquoi il est important que ce corps social marocain de plus en plus moderne accède aussi à l’esprit de modernité. Les dirigeants d’entreprises, les cadres, les investisseurs, doivent aussi être des esprits, et des esprits critiques. Voilà un des objectifs de la nuit de la philosophie.
Et c’est salutaire, parce qu’au Maroc, nous sommes beaucoup plus enclins à la fermeture que nous le pensons. Certains de nos dirigeants d’entreprises ne sont pas des contemporains, ils vivent souvent dans un monde pré-moderne. Ils portent des costumes-cravate, disposent de téléphones cellulaires, consultent Internet, ils sont branchés sur le monde, et pourtant dès que nous abordons certaines questions notamment religieuses, le refus de  dialogue n’est jamais très loin. Or, le Maroc de demain doit se construire dans la tradition renouvelée par la critique moderne, dans le renouvellement de la foi à l’épreuve de la raison.
C’est par l’exercice d’une pensée critique rigoureuse que tout cela sera possible. Celle-ci, contrairement à ce que l’on peut penser avec frayeur, ne met pas en péril la tradition, la religion, l’identité marocaine.
Au contraire, elle peut permettre de la sauver, en l’intégrant au processus de la modernité lui-même, en l’ouvrant à la diversité. Un minimum de connaissance historique suffit pour se rendre compte que les grandes civilisations sont toutes mortes étouffées par leur propre fermeture. Si une culture refuse la critique et reste rongée par le ressentiment, c’est qu’elle manque de confiance dans la vérité de sa propre tradition. C’est parce que le Maroc a une vraie tradition, une tradition qu’il doit ausculter de manière critique pour l’ouvrir et l’inscrire dans le monde d’aujourd’hui, qu’il ne doit pas craindre la modernité. Bien au contraire.  

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