Chroniques

Autrement : Quand meurent les mères

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Cette question, je me la suis posée avec plus d’acuité, ces derniers jours, à l’occasion du décès de la maman d’amis. Celle que je me permettrai d’appeler «Mâ», comme la nommaient ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, est morte en quelques semaines, d’un cancer du pancréas, à l’âge de 84 ans. Jusque-là, cette femme était apparue comme un roc indestructible. Elle aura, d’ailleurs, conduit sa vie jusqu’à son dernier souffle, choisissant de mourir chez elle, et ayant pu dire aux siens tout ce qu’elle voulait leur transmettre. A ceux et celles qui pleuraient de la voir mourir, elle affirmait tranquillement sa confiance dans le Dieu de miséricorde, ne doutant pas un instant que le Très-Haut l’accueillerait en son Paradis.
«Mâ» n’a pas eu une vie facile. Très tôt orpheline dans un petit village de l’Oranie, elle suivit son mari en France lorsque celui-ci fit le choix d’émigrer. Avec leurs premiers enfants (ils en eurent onze, six garçons et cinq filles), ils connurent les logements insalubres et précaires, ainsi que les engagements dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. A l’issue de cette guerre, «Mâ» se retrouva rapidement veuve. Elle qui était analphabète, trouva pourtant la force nécessaire pour éduquer ses enfants, en dépit des nombreux tourments rencontrés. Plusieurs de ses petits-enfants, à l’éducation desquels elle a largement contribué, sont aujourd’hui amplement diplômés et ont accès à de belles carrières professionnelles.

Cette femme était une reine, du haut de son amour, elle veillait en reine à l’unité de sa famille, qu’elle savait tenir rassemblée et unie, autour d’une valeur sûre : la solidarité. Elle était, en véritable clef de voûte, attentive au présent et à l’avenir de chacun. Qui va pouvoir, maintenant, la remplacer dans cette fonction fédératrice? Qui aura, pour cela, l’autorité nécessaire?
«Mâ» était une véritable musulmane « du juste milieu ». Elle refusait une religion qui s’impose et qui ne respecte pas la liberté des personnes. Elle croyait dans un Dieu d’amour et de justice qui aime tous les êtres humains sans exception. Ses liens d’amitié avec des chrétiens et des Juifs ont été nombreux et forts. A ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, elle a voulu inculquer la tolérance et le rejet des extrémismes. Elle n’avait pas fait d’études en sciences islamiques, bien entendu, mais elle n’en était pas moins un «alem». Un «alem de la sagesse». Pour elle se vérifie sans nul doute le hadith prophétique: «Le paradis est sous les pieds des mères». Mais elle incarnait une manière d’être mère qui est en voie de disparition, avec la diminution du nombre d’enfants dans les familles, et avec l’individualisation de plus en plus grande des conditions de vie. Que seront les mères de demain? Que seront les croyantes de l’avenir? Une mère magnifique s’en est allée, et ses enfants ne sont pas les seuls à se sentir orphelins.

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