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Autrement : Un film halal…

© D.R

C’est un vrai film «halal» et il a été fait uniquement par des musulmans ou des spécialistes comme John L. Esposito, historien des religions. On fait bien entendu peu de cas, du fait que le film a été fabriqué aux Etats-Unis par un réalisateur américain non musulman.
Pourtant, à voir ce film d’animation, en avant-première à Paris, avant sa sortie en DVD, retraçant la prédication du Prophète de l’Islam, on pourrait penser que seul un croyant ayant toujours baigné dans la connaissance mythique de sa religion pourrait l’avoir fait. La narration va commencer avec un homme de 40 ans qui deviendra le Prophète de l’Islam. Impasse sur son enfance, impasse sur son caractère. Un peu comme si cet homme, au destin certes peu commun, n’avait été que prophète et rien que Prophète. Ensuite, le film se découpe en trois séquences : les débuts de la prédication à la Mecque et les difficultés rencontrées, la fuite vers Yathrib et les victoires miraculeuses face aux armées des Quraysh lancées à sa poursuite. Pour finir, la conversion des siens et le retour triomphal à la Mecque. Tout ne tourne qu’autour de la relation du Prophète de l’Islam avec les gens de la Mecque. On est en dehors du temps, de l’espace et de l’environnement. Aucune mention n’est faite par exemple des tribus juives ou chrétiennes de Médine.
Que le réalisateur ait centré le film sur cette partie de l’histoire n’est pas le plus grave. Ce qui l’est plus en revanche, c’est cette forme de simplisme avec lequelle est présentée la Mecque d’avant la révélation prophétique. Des images d’un pauvre mendiant détroussé par un riche marchand. Une voyante convoquant les esprits pour lire l’avenir à une femme. Des chefs de tribus rongés par la cupidité, réunis pour déterminer comment tirer le plus grand profit de pèlerins venus rendre hommage aux divinités de la Mecque. La femme rabrouée par son mari. Des hommes qui se battent pour acquérir un esclave (Bilal). Ce sont des préalables, avant que le narrateur ne poursuive : «avant l’Islam, les gens n’étaient pas égaux, les riches ne donnaient pas aux pauvres, les femmes n’étaient pas les égales des hommes, les gens croyaient à la sorcellerie». La méthode est simple et efficace.
Mais efficacité ne rime pas nécessairement avec rigueur. Un enseignement qui ne retient que les aspects déterminés, définis, enfermés, par une tradition non critique reste un enseignement idéologique. Ce qu’il faut enseigner, c’est la complexité de l’histoire et non sa simplicité. Montrer que l’Islam survient dans un espace géographique, un environnement politique, un monde culturel bien précis. Qui étaient ces dieux que l’on vénérait ? Qu’était le monothéisme au moment de l’arrivée de l’Islam ? Qui était Mohammed, l’homme historique devenu Prophète ? Autant de questions qui tant qu’elles seront occultées, empêcheront petits et grands d’assumer toute leur histoire. Car faute d’Histoire, on continuera encore très longtemps à se raconter des histoires.

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