Concessions
Si Sébastien Lecornu parvient à séduire la droite avec une politique de fermeté et la gauche avec une politique de justice et d’équité sociale, il peut espérer parvenir au graal du moment, celui dont rêve tout Premier ministre, un pacte de non-censurabilité de la part de la droite comme de la gauche.
Il y a comme une impression de dernière chance qui règne sur la scène politique française. Après avoir usé toutes les cartouches à sa disposition, Emmanuel Macron s’est résigné à nommer Sébastien Lecornu, un intime et pionnier de la Macronie, au poste de Premier ministre.
Signe d’une grande instabilité politique, il est devenu le cinquième locataire de Matignon en deux ans. Sa mission, et il l’a acceptée avec l’enthousiasme des moines, sauver le second mandat d’Emmanuel Macron, lui éviter une seconde dissolution et éloigner le spectre de la crise de régime qui pourrait obliger le président à démissionner et à organiser des élections présidentielles anticipées.
Et pour cela dès qu’il a reçu le témoin lors de la passation des pouvoirs avec François Bayrou, il avait utilisé les mots magiques qui annoncent sa politique : rupture sur le fond et dans la forme. Et il ne s’agit pas d’une audace personnelle mais bien d’un choix présidentiel. Devant la grande impasse qui s’annonce, il s’agit d’utiliser les moyens de circonstance susceptibles d’assurer une stabilité du second mandat jusqu’à son terme en 2027.
Dans les choix qui s’offrent à Sébastien Lecornu, deux inévitables concessions à faire. La première est en direction de la droite dure et de la droite républicaine. Il s’agit de montrer une fermeté sur les questions de sécurité et de migration. Le Parti Les Républicains évoque la possibilité d’une nouvelle loi sur l’immigration qui donnerait un tour de vis aux entrées, au séjour des étrangers et à l’expulsion des clandestins. Sans cette approche, le gouvernement de Lecornu sera taxé de laxisme, un puissant carburant qui alimente l’extrême droite et lui procure une clientèle électorale des plus nombreuses.
La seconde concession est à faire en direction de la gauche. Le Parti socialiste, considéré comme un parti de gouvernement, est visé dans ces stratégies de séduction. Sans doute la rupture dont parlait Lecornu visait à établir plus de justice sociale et plus d’équité fiscale. Les grands discours de la gauche française font régulièrement valoir que le gouvernement peut réaliser des économies sans pour autant être obligé d’alourdir la fiscalité des Français. Il suffit pour lui de s’attaquer aux classes les plus riches et de leur imposer une taxe qui soit à la hauteur de leurs rentrées et à la hauteur de la gravité de la situation économique de la France.
Cette préoccupation est actuellement incarnée dans le débat politique français par la célèbre taxe Zucman qui consiste à imposer 2% sur les personnes ayant une fortune qui dépasse les cent millions d’euros. Les détracteurs de cette taxe font valoir que son application fera fuir les capitaux et les grandes sociétés de France dont l’économie a besoin d’investissements pour créer des richesses et des emplois. Les défenseurs de cette taxe font valoir quant à eux la nécessité de parvenir à une équité fiscale où chacun paie et participe à l’effort national en fonction de ses revenus.
Si Sébastien Lecornu parvient à séduire la droite avec une politique de fermeté et la gauche avec une politique de justice et d’équité sociale, il peut espérer parvenir au graal du moment, celui dont rêve tout Premier ministre, un pacte de non-censurabilité de la part de la droite comme de la gauche. Ce qui lui garantira une forme de stabilité et à Emmanuel Macron une forme de répit.
Dans le cas contraire espéré aussi bien par l’extrême gauche que par l’extrême droite, le gouvernement Lecornu risque de connaître le même sort que celui de Michel Barnier renversé par une motion de censure et celui de François Bayrou sorti par un vote de non-confiance.
L’extrême droite de Marine Le Pen espère ardemment des législatives anticipées car elle a la conviction, comme l’indiquent la plupart des maisons de sondages, qu’elle peut rafler la mise électorale législative et imposer Jordan Bardella comme Premier ministre.
Quant à l’extrême gauche emmenée par Jean-Luc Mélenchon, elle croit dur comme fer que cette situation de blocage risque de provoquer une crise de régime dont la seule issue est la démission de Macron et l’organisation de présidentielles anticipées. Mélenchon a la solide conviction qu’il pourrait accéder à la fonction suprême dans ces conditions de crise extrême.














