Le concept de Canossa utilisé par Tebboune est un aveu de cette verticalité hiérarchique dans les rapports entre Paris et Alger. On se dirige vers Canossa pour y implorer le pardon et lever l’excommunication.
À la question de savoir si sa visite en France était maintenue, le président algérien Abdelmajid Tebboune a eu cette punchline, manifestement très préparée et dite en français pour que le message puisse atteindre sa cible première : Paris. «Je n’irai pas à Canossa», s’est contenté de dire le président algérien à ses interlocuteurs, laissant sur leur faim tous ceux qui n’étaient pas familiers avec cette expression sur la repentance et la soumission. Le concept de Canossa utilisé par Tebboune est un aveu de cette verticalité hiérarchique dans les rapports entre Paris et Alger. On se dirige vers Canossa pour y implorer le pardon et lever l’excommunication.
Tebboune présente sa visite en France, tant attendue et maintes fois reportée, comme une convocation française au régime algérien pour venir valider les nouvelles orientions françaises dans la région du Maghreb. Après le fameux communiqué du ministère des affaires étrangères algérien qui avait dénoncé, avant que cela n’arrive le 30 juillet, le tournant français sur le Sahara, c’est sans doute la première fois où Tebboune lie directement sa visite en France à l’affaire du Sahara. Aujourd’hui plus aucun doute, l’amertume algérienne à l’encontre de la France est directement liée à l’embellie en cours des relations entre Paris et Rabat.
Dans cette sortie, la première depuis la prolongation formelle de son mandat à la tête de l’Algérie, Tebboune a tenu à augmenter le volume de pression qu’il entend exercer sur la France. Déjà dans le fameux communiqué du ministère des affaires étrangères algérien, les menaces de vengeance et de sanctions suintaient à l’encontre de cette France fautive d’avoir choisi le Maroc. Ainsi, on l’a entendu décrire les immenses obstacles que rencontre la réconciliation mémorielle entre Alger et Paris si chère au président Emmanuel Macron. Le lexique utilisé est plus proche du maintien de la rupture que du rapprochement entre les deux pays. Colonialisme génocidaire, repentance obligatoire des Français, dédommagements pour les essais nucléaires et chimiques français en territoire algérien. Autant de leviers de pression qui avaient relativement disparu du dialogue diplomatique entre les deux pays quand une atmosphère de lune de miel dominait leurs relations.
La réconciliation mémorielle était un atout important dans les relations personnelles entre Tebboune et Macron. Le régime algérien avait pris conscience à quel point cette réconciliation était importante pour le président Macron qui voulait laisser une emprunte indélébile dans l’histoire des relations entre les deux pays et être le premier président de la République française à avoir donné une accélération historique à cette réconciliation mémorielle qui avait buté pendant des décennies sur d’insurmontables obstacles. Pour cette facilitation algérienne, il y avait un prix, celui d’une neutralité négative de la France sur la question saharienne.
Aujourd’hui parce que Paris a décidé de clarifier sa position sur le Sahara marocain que le régime algérien augmente sa défiance à l’égard de la France. Cette attitude antagoniste est de nature à augmenter le fossé qui sépare les deux pays qui vont cultiver plus une logique de défis que de coopérations. Un des thèmes de cette défiance algérienne est à trouver dans le domaine de l’immigration ou le régime algérien, selon Paris, utilise la carte des laisser-passer consulaires pour peser sur l’équation politique française. Plus son refus était dense, plus l’extrême droite monte. Cette même extrême droite dans laquelle Tebboune voit une minorité haineuse à l’égard de l’Algérie et qui demande l’annulation pure et simple de l’accord franco-algérienne de 1968 qui régit l’immigration algérien en France.
Ce fameux accord est au cœur du bras de fer entre la France et l’Algérie. Il est présenté par le président Tebboune comme une coquille vide, comme un épouvantail inutile. Il est présenté par le nouveau ministre de l’intérieur Bruno Retailleau comme une piste majeure pour diminuer le poids de l’immigration en France.
Et c’est pour toutes ces raisons que la prochaine visite d’Etat du président français Emmanuel Macron au Maroc ce 29 octobre sera scrutée depuis Alger pour voir comment la diplomatie française va incarner ce soutien à la souveraineté marocaine sur le Sahara. L’idée d’annoncer pendant cette visite l’ouverture d’un consulat français dans les deux villes emblématiques de Laayoune ou de Dakhla fera partie des démarches iconiques qui vont incarner cette grande clarification.