Chroniques

Carnets parisiens

Rencontre. Etrange rencontre que celle qui avait réuni cette semaine à Paris le ministre marocain des Affaires étrangères Mohamed Benaïssa et sa collègue israélienne Tzipi Livni. Quelques minutes à peine avant la rencontre, de nombreux journalistes de télévisons basés à Paris avaient reçu une invitation urgente à venir immortaliser cette photo inédite comme si la volonté de médiatiser cet événement a été prise à la dernière minute. Et dès la diffusion de la nouvelle, la question était sur toutes les lèvres : les relations israélo-marocaines sont-elles en train de sortir du gel comateux dans lequel la politique agressive d’Ariel Sharon à l’égard des Palestiniens l’avaient plongé ? Et tandis que Tzipi Livni, volubile, décrivait la rencontre comme un événement de la plus haute importance:«Nous avons des intérêts communs, Israël et les arabes modérés. Nous avons les mêmes préoccupations, nous affrontons les mêmes menaces», Mohamed Benaïssa donnait l’impression d’être pris au dépourvu, refusait poliment de nombreuses demandes d’interviews. Voici en tout cas comment le journal israélien «Haaretz» décrivit la scène de l’après entretien: «Le ministre marocain des Affaires étrangères ne s’adressa pas aux reporters après la rencontre,  mais se contenta de serrer la main de Livni».
En tout cas, le timing de la rencontre : quelques minutes seulement avant que Tzipi Livni ne s’entretienne avec Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner, le lieu de la rencontre : Paris qui commence à récupérer une énergie médiatrice au Proche Orient, donne peut-être une indication sur une volonté française de mobiliser les pays amis pour l’aider à convaincre le gouvernement israélien de casser les dernières barrières de réserve et de suspicion à l’égard du gouvernent de Mahmoud Abbas qui commence à jouer pour la communauté internationale le même rôle qu’incarne le premier ministre Fouad Saniora sur la scène libanaise.

Agent de l’Est. Tandis que le Paris diplomatique bruissait des murmures interrogatives de la rencontre Livni/Benaïssa, quelques kiosques de la capitale française étaient tapissés par la Une fort alléchante de l’hebdomadaire français l’Express, contenant une photo en noir et blanc d’une célèbre icône marocaine que l’œil la plus distraite reconnaît au premier regard, avec ce titre sans nuance : «Ben Barka était un agent de l’Est». Le magazine français révèle, documents à l’appui fournis par Petr Zidek, un journaliste et historien à Prague, que le chef de l’opposition marocaine, leader de la tricontinentale, Mehdi Ben Barka entretenait dans les années soixante une relation de collaboration avec les services secrets tchécoslovaques. Les documents publiés fourmillent de détails croustillants. On y apprend que Mehdi Ben Barka répondait au doux sobriquet de «Cheikh», qu’il était catalogué dans la catégorie «Agent d’influence» au rang de «contact confidentiel» «chargé notamment d’inciter les dirigeants du Moyen-Orient à s’aligner sur les positions de Moscou et non sur celles de Pékin».  Pour les fidèles de Mehdi Ben Barka qui militent toujours pour lever le voile sur la vérité de son assassinat demeuré insoluble depuis plus de quarante deux ans, ces révélations ne sont ni plus ni moins qu’une atteinte à la mémoire d’un mythe au projet politique inachevé. Son fils, Béchir Ben Barka, balaie d’une revers de la main indigné ces accusations : «Vous savez, on peut faire dire ce qu’on veut aux archives ! Ceux qui l’ont connu à cette époque-là savent que tout cela est faux!»

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