Hélas le mal est profond mais croyez-moi pour beaucoup ces actes malveillants sont des moyens – brutaux – de nous rappeler leur existence. La plupart d’entre eux sont des invisibles.
Je sais que sur un tel sujet il faut être très précis dans ses mots, donc en premier lieu je tiens à souligner que mes propos n’ont certainement pas pour objectif d’excuser les actes de vandalisme ni de glorifier les casseurs, mais bel et bien d’en décortiquer les tenants et les aboutissants et surtout de proposer des pistes de réflexion, des solutions…
Le plus souvent nous lisons des critiques, parfois justement formulées, parfois excessives, voire délirantes, mais très rarement des idées ou des remèdes !
D’abord selon moi il faut dire que ces gosses -ils sont tous très jeunes- sont effectivement cassés, cassés dans leur tête, cassés dans leur vie : familiale, scolaire, sociale…, bien souvent livrés à eux-mêmes, car il faut être sacrément cassé dans son quotidien, dans ses perspectives, dans ses espoirs, pour se livrer à de telles actions de vandalisme.
Si vous avez vu l’état des toilettes du Complexe Mohammed V la semaine dernière alors vous avez constaté avec quelle force, quel acharnement elles ont été saccagées.
Pour faire cela il faut soi-même être en piteux état, bien sûr il y a parmi les casseurs des jeunes habités par la violence – violence gratuite- mais ce n’est pas la majorité, beaucoup d’entre eux sont des blessés de la vie, d’autres sont portés par la foule, d’autres encore agissent par identification, par mimétisme, par ignorance, par bêtise.
Puisque j’ai employé le mot «cassé» permettez-moi maintenant d’employer le mot «réparer». Oui ces jeunes il nous faut les réparer, sûrement pas tous, hélas le mal est profond mais croyez-moi pour beaucoup ces actes malveillants sont des moyens – brutaux – de nous rappeler leur existence. La plupart d’entre eux sont des invisibles. Certains de ces jeunes choisissent d’exister en visant l’excellence, dans les études, le sport, les arts… et méritent le meilleur, d’autres se «réfugient» dans la casse et la violence. Beaucoup de personnes donnent leur avis à l’emporte-pièce croyant que LA répression est LA solution.
Or nous oublions des choses essentielles, qui si elles ne sont pas prises en compte empêcheront tout progrès en la matière. Tout d’abord l’aspect psychologique de ces jeunes et les conditions dans lesquelles ils grandissent : sans encadrement, sans transmission de valeurs, sans environnement culturel et sportif digne de ce nom. Ils grandissent comme une herbe folle.
Casser pour eux est autre chose que du hooliganisme, c’est une sorte de vengeance, de revanche sur la société. À tort bien sûr…
Certes le rôle des parents est primordial, mais pas seulement.
Que faisons-nous, nous tous, pour ne serait-ce que «donner l’exemple» nous aussi nous sommes des casseurs par notre façon de conduire (combien de morts par notre faute, combien d’incivilités ?), par notre manière de nous comporter dans une file d’attente, combien de jeunes de leur âge ayant commis des faits tout aussi graves que ces jeunes s’en tirent parce que leurs privilèges le leur permettent…
Ne soyons pas aveugles ou partiaux quant à notre propre comportement.
La société que nous formons tous ensemble n’aurait-elle aucune responsabilité en la matière ?
Critiquer, condamner est indispensable, proposer ne l’est pas moins!
Permettez-moi de livrer ici quelques pistes de réflexion alors que nous sommes à quelques encablures de la CAN et de la Coupe du monde. Tout d’abord faisons de ces jeunes des acteurs, faisons en sorte qu’ils se sentent impliqués, partie prenante de notre développement qui actuellement passe énormément par le football.
Responsabilisons-les en leur donnant un rôle :
Par exemple formons des stadiers, des médiateurs, des accompagnateurs…
À titre personnel j’ai commencé une formation de secourisme pour mes jeunes, le résultat est probant.
Réfléchissons -avec le concours de la FRMF, des clubs, des ligues – à un statut du supporter. Faisons appel aux «légendes» du foot : Aziz Bouderbala, Mous Hadji, Salaheddine Bassir, Krimou… et bien d’autres, j’ai vérifié à quel point leur présence, leur récit, leurs propos sont apaisants.
Par quartiers, aidons les jeunes à se structurer, à s’organiser en Amicales, et utilisons les terrains de proximité pour de la formation, de la sensibilisation.
Ces terrains hyper fréquentés peuvent devenir aussi des «écoles».
Réfléchissons au rôle des mères, l’exemple de nos joueurs de l’équipe nationale est parlant. La présence des mères lors de déplacements, lors de matchs devrait être expérimentée, et au lieu de sourire de cette idée, mettons-la en pratique, à titre d’essai… Les propositions, les réflexions – concrètes, pragmatiques – ne manquent pas, au côté de nombre de jeunes avec lesquels je travaille, nous sommes à la disposition de qui voudra nous écouter. Pour terminer, me vient en tête cette phrase : si vous pensez que cela a un coût eh bien pensez à ce que nous coûte la casse !