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Chronique du psy : Cannabis ?

Le cannabis est une drogue hallucinogène. Dans les années 1960-70, un «joint» contenait 10 mg de THC en moyenne. Il peut en contenir jusqu’à 150 mg aujourd’hui.

Il est important de préciser les choses, de faire la différence entre CBD et THC.
De spécifier qu’il existe plusieurs cannabinoides dont le CBG, dernier en date.
Le cannabis est multiple et n’est pas une drogue douce.
Si certaines spécificités peuvent permettre à dès indications précises de le prescrire en tant que CBD ou CBG à des patients, cela ne veut en aucun cas dire que le cannabis et précisément le THC va être monnaie courante admise.
Le cannabis est la seule drogue scientifiquement prouvée ayant un lien avec la genèse de la maladie mentale. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de bouffées délirantes chez des jeunes de 16 ou 17 ans post-toxiques et pour être plus précise sous cannabis.
Ma réflexion d’aujourd’hui s’érige sur des piliers purement bio-psycho-sociaux intimement liés à ma pratique quotidienne, et celles de nombreux collègues psychiatres ou psychologues à travers le monde. Pas besoin d’être addictologue principalement pour savoir que le Delta-9-THC a bien des repercussions délétères sur la santé mentale des jeunes et moins jeunes.
Reprenons quelques définitions de base. Si on parle de cannabis industriel, soit le chanvre, il est important de le préciser et d’informer principalement les jeunes de son utilité et des réalités. Le chanvre est un type de cannabis ayant une très faible teneur en THC et qui est utilisé pour ses fibres dans la production de corde, dans l’industrie automobile, dans le textile et la cosmétique. Ceci n’a aucun lien avec le cannabis sous forme de résine appelé encore haschisch qui est riche en THC.

Le chanvre est un type de cannabis ayant une très faible teneur en THC et qui est utilisé pour ses fibres dans la production de corde, dans l’industrie automobile, dans le textile et la cosmétique.

Les joints ne sont pas récréatifs et en aucun cas l’effet est ​anodin. L’impact sur le cerveau est prouvé, plus le cerveau est jeune et plus les effets sont irreversibles. Les troubles cognitifs, l’impact sur les capacités intellectuelles, la concentration, la mémoire, la capacité de résolution de problèmes, et j’en passe, sont perceptibles, évidents et impactant sur les jeunes, les moins jeunes et la société.
L’image cinématographique du fumeur de joint est très évocatrice si mon discours n’est pas clair ; elle n’est pas liée à Wall-Street mais à la négligence corporéo-vestimentaire, au chômage, aux jeunes, embués de fumée, adossés à un mur de quartier, attendant le temps qui passe … Le syndrome amotivationnel est la conséquence la plus fréquente quand ce n’est pas une schizophrénie ou un trouble bipolaire d’installation chronique.
Venez assister à une annonce diagnostique de maladie mentale chronique en réunion familiale. On y laisse, nous soignants, des plumes. On a mal. On pleure intrinsèquement nos jeunes fragiles, fragiles de leur intelligence, de leur sensibilité, de leurs angoisses, de leurs capacités sociales limitées pour lesquels le cannabis annonce une vie d’adulte en bonne santé mentale avortée.
Le cannabis est une drogue hallucinogène. Dans les années 1960-70, un «joint» contenait 10 mg de THC en moyenne. Il peut en contenir jusqu’à 150 mg aujourd’hui. Chez les personnes à risque, il induit des bouffées délirantes avec hallucinations, délire et paranoïa pouvant mener à des passages à l’acte auto ou hétéro-agressif graves. Allez faire un tour au Centre psychiatrique universitaire précisément au service des urgences et régalez-vous.
Bonjour la psychose ! Bonjour la violence ! Bonjour le suicide social !
Vous allez ne me dire pas pour tous. Je vous fais le calcul. Trois facteurs de risque combinés multiplient par 6 le risque de dépendance et par 4 le risque de maladie mentale chronique. Pour expliquer de façon simple, un adolescent dont le père est dépendant, avec des parents divorcés, vivant dans un quartier où il y a des dealers a plus de chance de devenir dépendant qu’un adolescent dont les parents ne sont pas consommateurs et qui vit dans un quartier où les drogues sont plus difficiles à obtenir. D’où la nécessité de politiques de prévention suivant divers modes soit de terrain avec des acteurs sociaux mais aussi des acteurs de santé avérés formés pour une prévention en amont chez les personnes ayant des facteurs de risque (cumul de facteurs de risque) de développer une dépendance.
Par la suite, des antécédents de maladie mentale dans la famille, particulièrement de trouble bipolaire ou de schizophrénie présagent d’une genèse possible de maladie mentale chronique multipliée par 55 par rapport à la possibilité de maladie mentale chez un fumeur sans antécédents familiaux.
Vous vous demandez où je veux en venir. Le vote du Maroc pour la légalisation du cannabis à l’ONU me choque et choque les travailleurs en santé mentale. Sauf si on précise qu’on veut la légalisation du chanvre pour l’industrie ou l’utilisation régulée en industrie pharmaceutique ou cosmétique. L’interprétation serait alors différente.
Mais alors de quel cannabis parle-t-on ?
Mes patients malades psychotiques ou addicts me demandent déjà si je vais leur permettre de consommer le fameux CBD ou des doses faibles de cannabis à sa légalisation.
Excusez ma hantise ! Excusez ma peur ! Excusez mes angoisses !
Une sensibilisation et une politique de prévention sont nécessaires et obligatoires car l’avenir de nos jeunes en dépend.

Par Dr Imane Kendili
Psychiatre et auteure

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