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Chronique : Le Maghreb à l’épreuve de la guerre Iran / Israël

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Proxy : Alger et Tunis perdraient beaucoup avec la défaite de l’Iran et éventuellement son changement de régime. Tandis que Rabat aspirerait à ce que cette confrontation puisse participer à réduire les capacités de nuisance du régime iranien.

Sans doute plus que n’importe quelle région du monde, à part le Proche-Orient, la région du Maghreb suit avec énormément d’intérêt l’évolution de cette guerre entre Israël et l’Iran. Et pour cause, l’issue militaire et politique de cette confrontation entre ces deux puissances va certainement impacter les équilibres régionaux et les équations de pouvoir.
Ces dernières années, les pays du Maghreb entretiennent des relations divergentes avec le régime iranien. Téhéran avait fait le choix de miser sur deux capitales d’Afrique du Nord que sont Alger et Tunis et avait pris la décision stratégique de considérer Rabat comme un adversaire, un concurrent à déstabiliser.
En effet, le régime iranien a établi une grande intimité sécuritaire, qui s’est traduite au fil des années en alliance militaire, avec le régime algérien. Cette relation s’est approfondie depuis l’arrivée du président Abdelmajid Tebboune. Les choix politiques du président algérien, dont la caractéristique principale est la multiplication des ruptures avec son environnement, avaient fini par le plonger dans une forme de dépendance politique à l’égard de l’Iran.

Durant les deux mandats de Tebboune, le régime iranien a tenté, avec un succès mitigé, de transformer l’Algérie en rampe de lancement de l’influence iranienne en Afrique du Nord et dans la région du Sahel. D’ailleurs, une des raisons profondes de ce divorce algérien avec son environnement africain et européen réside dans ce choix politique de favoriser l’expansionnisme et la domination de cette idéologie guerrière iranienne.
Comme par ricochet, Tunis est aussi une capitale qui est tombée, sous la gouvernance d’un homme comme Kaïs Saïed, dans l’escarcelle iranienne. Le régime tunisien est soupçonné d’être perméable à l’idéologie produite à Téhéran. Kaïs Saied qui depuis son arrivée au pouvoir, avait montré ses disponibilités naturelles à épouser une logique de rupture à l’algérienne, s’est trouvé presque naturellement dans le cercle des alliés du régime iranien.

Pour le Maroc, le jeu iranien est clair depuis le début. Les autorités iraniennes ont fait le choix stratégique de soutenir lés séparatistes du Polisario. Ce qui était largement suffisant pour le Maroc pour rompre ses relations diplomatiques avec la République islamique. Et quand on rajoute à ce positionnement iranien ouvertement hostile au Maroc la décision de s’impliquer militairement dans le conflit du Sahara à travers la mise à la disposition du Polisario de l’expertise guerrière du Hezbollah libanais était la goutte qui a fait déborder le vase de la colère marocaine.
L’Iran ne s’est pas limité à cela. Le changement de régime à Damas après la chute de Bachar El Assad et l’arrivée d’Ahmed Charaa ont révélé la présence de nombreux éléments du Polisario venus sur le territoire syrien s’entraîner à la guerre et aider le régime de Bachar El Assad dans ses tueries contre la population syrienne. Ces éléments du Polisario n’ont pu être transportés, hébergés, armés en Syrie sans la bénédiction directe du régime iranien qui, avant la chute de Damas, faisait la pluie et le beau temps en Syrie.
Clairement, la République islamique ambitionnait de transformer le Polisario en son proxy en Afrique du Nord pour en faire une arme de conquête et de déstabilisation comme le sont déjà le Hezbollah libanais, le mouvement Houti au Yémen ou les Brigades populaires en Irak.
Partant de cette situation, les pays du Maghreb suivent avec des agendas et des ambitions différents la tournure de cette guerre. Alger et Tunis perdraient beaucoup avec la défaite de l’Iran et éventuellement son changement de régime. Tandis que Rabat aspirerait à ce que cette confrontation puisse participer à réduire les capacités de nuisance du régime iranien. En cela le Maroc partage la même vision que l’ensemble des pays arabes, notamment ceux du Golfe, pour qui la surpuissance iranienne est d’une grande dangerosité.
Il reste qu’au niveau des opinions des pays du Maghreb comme dans la plupart des pays arabes, et parce que la machine de guerre israélienne est impliquée depuis de longs mois dans des opérations quotidiennes meurtrières contre les Palestiniens de Gaza et que le gouvernement de Benjamin Nethanyahou affame publiquement cette population, il s’en trouverait ceux qui auraient une tendance à exprimer une sympathie et une forme de solidarité avec les ripostes militaires iraniennes contre Israël, espérant qu’à l’issue de ce bras de fer militaire, Benjamin Nethanyahou puisse aussi y laisser quelques plumes.

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