Chroniques

Contribution : L’autre fait partie de l’équation (Part II)

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Fatima ne met pas en opposition un «Orient innocent et pur» contre un «Occident méchant et malveillant». Elle invite à extraire ces deux symboles aux frontières géographiques, aux appartenances religieuses et aux théories simplistes.

Analogie : Dans la philosophie du cow-boy, l’étranger est un bouc émissaire. Il est la cause des maux de la communauté.

Les deux voyageurs, selon Fatima Mernissi, avaient, chacun, sa perception de l’autre. Une lecture édifiante et éclairante pour que nous puissions comprendre les clivages, les rejets et les conflits qui alimentent notre quotidien.

Attitudes clivantes
Fatima explique que, aux yeux du cow-boy, «l’Etranger» est une source de menaces et de risques. Il faut s’en méfier et le dominer. Aux yeux de Sinbad, «l’Etranger» est un compagnon de route, avec qui il co-construit. Il l’aide à connaître l’autre et, surtout, à mieux se connaître.
Les Soufis disent que l’étranger fait partie de son propre moi incomplet. Donc, l’«Etranger» est une partie de soi qui doit être recherchée et trouvée afin de se réaliser. De se renouveler. Dans la philosophie du cow-boy, l’étranger est un bouc émissaire. Il est la cause des maux de la communauté. Il y a une dizaine d’années, un ministre français avait trouvé, durant la campagne électorale, ce slogan choc. «Les étrangers viennent manger les croissants des Français». Oui, c’était la trouvaille d’un ministre aspirant à la présidence de la France! Pour repousser l’étranger,
Donald Trump avait promis, lors de sa campagne électorale de 2017, de construire un mur de séparation avec le Mexique. Parmi les premières décisions prises après son retour à la Maison-Blanche, le transfert de clandestins. Pour Sinbad, l’autre est le moyen pour grandir et faire grandir l’univers.
C’est cette vision qui a été, je tiens à le souligner, à la base du «rêve américain». Bizarrement, le président américain est une belle illustration de ce rêve américain. Lui fils de femme de ménage, entrée clandestinement aux USA, est devenu archi-milliardaire et deux fois président des Etats-Unis.

On ne peut pas arrêter la marche de l’humanité

L’aspiration ultime du cow-boy est de protéger sa géographie. Une fois, sa forteresse érigée, il en sort pour dominer d’autres territoires. Le Canada ou le Groenland, par exemple.
L’aspiration ultime de Sinbad est de connecter les gens et de leur faire découvrir l’autre. Durant ses voyages, Sinbad devient le VRP de la culture de l’autre auprès d’autres.
Al-Jahid, penseur musulman à tendance scientifique de Bassorah du IXème siècle, expliquait au calife abbasside, Al-Mamoune, que «la littérature est l’esprit de l’autre ajouté à votre esprit». Pour lui, l’«Etranger» est un moyen pour amender sa propre culture. C’est aussi le vœu et le cri de cœur d’une femme fondamentalement humaniste, profondément marocaine et extraordinairement en avance sur son temps.

Ce n’est point une utopie

La mondialisation selon Sinbad est séduisante. Mais, n’est point une utopie. Au moment, où on s’y attend le moins, Fatima met un point de vigilance: refuser les lectures binaires de sa vision de la mondialisation.
Dans l’Orient, qui a vu naître Sinbad, il y avait et il y a encore des cow-boys qui cherchent à dominer l’autre, poussés par l’avidité, l’accumulation de richesses et la possession. Comme il y a, en Occident, des Sinbad qui luttent contre l’hégémonie des cow-boys, et qui œuvrent pour rétablir la justice et l’équité dans ce monde.
Fatima ne met pas en opposition un «Orient innocent et pur» contre un «Occident méchant et malveillant». Elle invite à extraire ces deux symboles aux frontières géographiques, aux appartenances religieuses et aux théories simplistes. Et à ne pas biaiser sa lecture de la mondialisation par les préjugés.

Ils sont en nous

Cette analogie entre le cow-boy et Sinbad renvoie à notre éternel dilemme interne. A notre quête de sagesse et à notre vénalité. A notre combat entre le bien et le mal. A notre soumission au cœur ou à la raison.
Si nous laissons notre cupidité, notre amour du lucre, notre soif de contrôle et notre individualisme nous dicter ce que nous devons faire, nous allons tout droit vers des catastrophes.
La croissance économique humaniste est possible. L’autre, c’est moi.

Par Nezha Hami-Eddine Echairi

Executive coach past Presidente ICF Maroc.

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