Chroniques

De toutes les couleurs : de l’art des fous à l’art brut

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Sans vouloir amoindrir l’immense contribution de Dubuffet, il s’agit de souligner le fait que ce dernier ne l’a pas inventé mais simplement découvert. Jean Dubuffet, qui a commencé sa carrière artistique très tard dans sa vie, s’intéressait à la vie quotidienne et à l’art populaire. Il n’était préoccupé ni par l’art, ni par la beauté, mais seulement par la création. Ce qui l’intéressait, c’est une sorte d’art qui ne se préoccupait pas de l’aspect artistique. Un art inconscient de sa propre portée artistique. Une forme de création spontanée, authentique, en dehors des circuits «culturels». Un art créé à partir de pures et authentiques impulsions créatrices, où les soucis de compétition, de reconnaissance et de promotion sociale n’intervenaient pas. Un art où «La préoccupation artistique est primitivement étrangère à la réalisation de l’art» comme disait Marcel Réja dans son livre «L’art chez les fous» en 1907. Dubuffet soutenait que la «culture» dominante a assimilé chaque nouveau développement dans l’art, et enlevé ainsi tout pouvoir qui pouvait y exister. Le résultat est l’étouffement de l’expression authentique. C’est ainsi que Dubuffet s’est trouvé attiré par la création dans les hôpitaux psychiatriques. En effet, les «fous» qui créent n’ont cure de la culture comme on peut facilement l’imaginer. Pour cette raison, Dubuffet considérait que leurs travaux étaient plus précieux que ceux des artistes professionnels. La première fois que l’expression «art brut» est apparue, c’était dans une lettre que Dubuffet adressait au peintre suisse René Auberjonois, le 28 août 1945. L’art brut était donc la solution de Dubuffet au problème de l’authenticité. Seul l’art brut était immunisé de l’influence et de l’assimilation de la culture parce que ses artistes, qui sont des personnes exemptes de culture artistique, sans pour autant être tous des «fous», n’étaient  eux-mêmes pas capables ou pas prêts à être assimilés. On connaît aujourd’hui beaucoup d’artistes issus des asiles psychiatriques, mais le plus connu est Adolf Wölfli. Dubuffet s’était beaucoup intéressé à Wölfli qui est le premier malade psychiatrique au monde à être considéré comme un artiste à part entière. Son cas est évidemment différent de celui des artistes établis «devenus fous» car Wölfli a commencé son activité artistique après son internement, et de manière spontanée, après une tentative d’évasion. L’œuvre de ce dernier est devenue pour Dubuffet le classique de l’art brut par excellence. Wölfli a laissé une œuvre monumentale sous forme de 45 volumes dans lesquels il racontait l’histoire en partie imaginaire de sa propre vie avec 25.000 pages, 1600 illustrations et 1500 collages.  Il avait été découvert par  Walter Morgenthaler, psychiatre, qui avait publié un livre en 1921 sur ce patient, sous le titre «Un malade psychiatrique comme Artiste.»

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