Certains s’apitoient sur le sort des enfants déchiquetés pendant que d’autres applaudissent les prouesses technologiques des armes modernes, se félicitant d’avoir trouvé une population sans défense sur laquelle tester les bombes du 21e siècle. A longueur de journée, le monde arabe parle, parle très bien. Les phrases sont belles, poignantes d’humanité. L’éloquence qui permet de se débarrasser de la réalité !
On se demande pourquoi la politique arabe n’est pas unifiée et on oublie qu’il faudrait, avant de parler d’unité politique, d’abord unifier les intérêts économiques. ça paraît pourtant élémentaire ! En essayant de grimper sur l’unité politique dans un monde où les intérêts sont aussi éloignés que la Terre et le ciel, on passe de l’autre côté du cheval. Alors, investis d’un sentiment de dégoût, nous avons pensé, dans une totale sincérité, une amie artiste et moi-même, organiser une grande exposition avec un maximum d’artistes. Chacun donnerait une œuvre dont les bénéfices seraient versés aux autorités compétentes pour expédier des médicaments aux enfants de Gaza. Nous avons contacté un des artistes de la première génération en espérant qu’il utiliserait son poids et ses contacts pour trouver une grande salle d’exposition en urgence. Sa réponse était du genre: «Vous savez, c’est difficile. Les circonstances actuelles. Vous comprenez, bla-bla-bla…». Puis au ministère de la Culture, impossible de trouver une salle dans les délais… Alors, désespérés, nous nous sommes effondrés sur nos fauteuils, une télécommande dans une main et un verre dans l’autre à regarder le génocide, un peu comme on regarde un film de guerre avec ce qu’il y a de plus arrogant comme rôle principal. Seulement voilà, deux jours plus tard, nous apprenions que ce même artiste organisait avec une petite poignée d’autres artistes une exposition de peinture au profit des … enfants de Gaza. Pourquoi avoir gardé secret un événement censé être humanitaire? Et pourquoi l’avoir limité à si peu d’artistes, comme si l’argent des dizaines autres artistes était moins utile? La bienfaisance, était-elle la vraie raison de l’organisateur ? Permettez-moi d’en douter fortement. Evidemment, on ne peut rien reprocher aux artistes participants qui n’auront fait que répondre généreusement à la proposition de l’organisateur. C’est ce dernier qui, en gardant l’événement secret et en le limitant à un petit groupe, a souligné le caractère égoïste et malsain de son initiative censée être bienfaisante. C’est écœurant de se rendre compte que l’on peut se servir d’un drame humain comme publicité ou comme une bonne opération de communication. Les médias loueront l’engagement de cette poignée d’artistes. Ils remercieront l’organisateur pour avoir pensé «aider» les victimes du génocide alors qu’il doit se dire secrètement : «vivement le prochain génocide que je me refasse un peu de pub!».