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Diplomatie préventive et diplomatie coercitive

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Etats et organisations internationales mis à mal

Par Yassir Lahrach *

Les guerres ne surviennent que lorsque les négociations, les discussions et les pourparlers entre les parties, en querelle ou en désaccord par rapport à une question donnée, n’aboutissent pas à un compromis, à un consensus ou, dans le meilleur des cas, à une entente.
Cela voudrait également dire que la diplomatie, dans ses différentes configurations, a complétement échoué et s’est révélée totalement inefficace.
C’est ainsi que la machine militaire intervient dans des rapports de force, pour contraindre, au moins, l’une des parties en conflit, à renoncer ou à moindre mesure, à négocier. A ce moment-là, la diplomatie préventive cède sa place à la diplomatie coercitive, laquelle devrait, tout de même, obéir à des principes indéfectibles de droit international. Sauf qu’en réalité, les choses se font autrement, car les intérêts géoéconomiques et géopolitiques, ainsi que les jeux de pouvoir entre puissances prennent, assez souvent, place à la raison, voire à la justice et à l’éthique. Il semblerait que le paradigme de l’hécatombe de la Première Guerre mondiale, des ravages de la Seconde Guerre mondiale ou encore de la guerre froide demeure inchangé car il est toujours valable et d’actualité, avec un retour aux stratégies de conquête territoriale et aux politiques d’influence.

Autant dire qu’il reste miséreux de constater qu’à l’aune du XXIème siècle, le jeu diplomatique s’avère toujours indissociable de l’action militaire.
Pourtant, le monde, confronté à de graves perturbations (épouvantable crise pandémique de Covid-19, effets destructeurs du réchauffement climatique, insécurité alimentaire, divisions et polarisations, etc.) a plus que jamais besoin de paix : entre peuples, entre voisins, entre citoyens, entre générations, entre religions, entre cultures, entre pays, entre régions et entre continents.
Il s’agit d’une condition sine qua non au développement économique et une garantie essentielle du principe onusien de sécurité collective.
L’intelligence diplomatique
évite la guerre
Qui a raison, Qui a tort? Personne n’a le dernier mot et aucun ne se trompe! Mais force est de constater que la diplomatie a vraiment essuyé un cuisant échec dans la prévention de la crise ukrainienne, malgré tous les efforts consentis, aussi bien de la part des Etats que des organisations internationales (ONU, OSCE, OTAN, UE, etc.).
A ce titre, le recours à l’approche d’intelligence diplomatique aurait pu être concluant, pour éviter le déclenchement de cette guerre.

Car finalement, lorsqu’une partie s’emporte ou perd carrément la raison, il ne faut pas chercher midi à quatorze heures et se retrouver devant une situation irrattrapable.
Au contraire, ce serait plutôt sage de ressortir avec un consensus, dans l’attente de trouver, imminemment, un terrain d’entente, favorable à toutes les parties, pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Revenons à la crise ukrainienne : nous ne serions jamais arrivés à la situation dramatique d’aujourd’hui si les canaux diplomatiques étaient bien rodés et sensibilisés au respect des «intérêts non négociables» de la Russie. Même si certains experts en relations internationales prétendent que les Etats européens ont utilisé la carte de la diplomatie jusqu’au bout.
C’est ainsi que la diplomatie chinoise, selon une notice de censure divulguée au niveau des réseaux sociaux, a pris le soin de sensibiliser ses médias, afin de ne point relayer d’avis défavorables à la Russie ou encore favorables à l’Occident.

Il en est aussi de la diplomatie royale, sous la conduite clairvoyante de Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu L’assiste, qui a adopté une position raisonnable, de neutralité, appelant au respect des principes onusiens de non-recours à la force, de règlement pacifique des différends et de soutien à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de tous les Etats membres de l’ONU, tout en veillant également à apporter une contribution financière aux efforts humanitaires des Nations Unies et des pays voisins.

Et là est une manière de ne point jeter de l’huile sur le feu, comme le recommande l’intelligence diplomatique (ID), en tant qu’approche stratégique.
A l’instar des principales règles de l’ID, il est recommandé de ne point :
– se limiter à une simple compréhension de la politique étrangère d’un pays mais d’aller bien au-delà, en prenant en considération le tempérament des dirigeants et de persévérer, inlassablement, dans les négociations diplomatiques.
– se contenter, uniquement, d’adopter des résolutions internationales qui condamneraient le pays enfreignant les normes de droit international mais plutôt de le convaincre, de manière pacifique et ingénieuse, d’un arrêt définitif de la guerre, à même de lui faire des concessions. Car finalement, le principal objectif est la protection des civils.

Enjeux de la diplomatie coercitive
et solutions alternatives
Quand la diplomatie préventive échoue, la diplomatie coercitive s’active par les Etats et les organisations internationales. Concernant les Etats en conflit, cela commence, à l’extrême, par la rupture des relations diplomatiques, avec une possibilité d’éclatement d’une guerre. En revanche, les organisations internationales (OI) se dépêchent pour prononcer à l’encontre du pays récalcitrant des sanctions économiques, financières, sportives, culturelles, voire des embargos qui leur interdiraient d’exporter et d’importer des biens, des services ou des technologies. Les OI, à l’exemple de l’ONU ou de l’OTAN, peuvent avoir un rôle de dissuasion et de défense en déployant, à tout moment, des forces multinationales interarmées, pour protéger les plus vulnérables et fournir un appui aux pays en transition de la guerre vers la paix.
Or quand il s’agit de puissances nucléaires, la manière d’agir envers celles-ci se métamorphose, par crainte que cela ne dégénère en véritable Guerre mondiale, avec de considérables répercussions sur la planète toute entière.
Rappelons-nous des conséquences désastreuses des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki que les Etats devraient, perpétuellement, se remémorer, pour construire un monde pacifique et totalement désarmé.
La diplomatie coercitive n’étant plus adaptée au contexte universel actuel, il serait vivement recommandé, à la communauté internationale, de procéder à son affinement, en :
– ordonnant un véritable plan Marshall qui consisterait à désarmer tous les pays de leurs arsenaux nucléaires, biologiques et chimiques, sur la base d’un renforcement de la norme et à travers l’approche de la non-prolifération, reposant sur la maîtrise des armes et l’élimination définitive des stocks, surtout que cette menace est toujours d’actualité.
– initiant une refonte de l’organisation des Nations Unies, tout en élaborant un nouveau Code mondial de la paix, auquel devraient s’inscrire tous les Etats et qui consacrerait une place privilégiée à la diplomatie de défense multilatérale, nettement structurée que celle présentement opérée.
– insistant sur la formation des armées des cinq continents, au maintien de la paix et la nécessité pour elles d’apprendre à opérer ensemble, pour un intérêt universel.

(*) Docteur en droit/Expert en intelligence économique/Analyste en stratégie
internationale/Auteur du concept
d’intelligence diplomatique