Chroniques

Du faux tabou à l’indispensable éducation…

Quand Achraf, 16 ans, prend la parole en ouverture de la 23ème édition du Café Politis, le silence s’installe aussitôt, le public, de plus de 350 personnes dont 80% de jeunes, sent que Achraf se livre à un exercice difficile. Simplement, franchement il explique la souffrance qu’il a vécue quand – devant la transformation de son corps à la puberté- il n’a trouvé personne pour lui expliquer ce qui se passait en lui. Ses interrogations, ses doutes, ses craintes, il les dit avec sincérité.

D’emblée s’il pouvait y avoir le moindre doute sur l’intérêt d’un tel débat «L’éducation sexuelle, une nécessité» ce doute est balayé.

Aicha Chenna, en quelques chiffres, renvoit ceux qui veulent y voir une «incitation à la débauche» à leurs propres responsabilités, elle nous assène que chaque jour au Maroc naissent 150 enfants «hors mariage» dont 24 sont abandonnés, que 600 avortements clandestins sont pratiqués au quotidien, que 4,11% des femmes qui accouchent sont des mères célibataires, un silence assourdissant s’installe.

Dès lors pourquoi chercher à se justifier, à justifier le choix de ce thème, laisser notre jeunesse sans éducation, sans sensibilisation, sans information sur ce sujet reviendrait à de la non-assistance à personne en danger.
Et effectivement le dialogue qui s’installe ce soir là et qui durera 3 heures montre à quel point notre société -que l’on dit peu ouverte à ce genre de discussion – est tout au contraire avide de savoir, de comprendre, dès l’instant où elle se sent en confiance. Des parents sont venus avec leurs ados, des jeunes sont venus avec leurs parents et tous suivront et participeront sans fausse honte à un dialogue dont chacun(e) repartira plus apte à «affronter la vie».
Quand le célèbre Doc Samad se lève et fait fouiller son sac par une jeune femme de l’assistance et que celle-ci en sort, avec un petit cri, un préservatif, le public tout entier s’esclaffe ! En un geste le Doc a réussi à faire tomber les barrières qui pouvaient subsister et à mettre tout le monde à l’aise.

Quand le professeur Abdessamad Dialmy prend la parole, chacun est «entré» dans le débat et son exposé, méthodique et très pédagogique, permet à chacun de se faire sa propre opinion. Lorsque le sociologue nous explique que dans notre société en mutation, l’âge du mariage a reculé jusqu’à la trentaine, il nous saute aux yeux l’exigence d’une véritable «éducation sexuelle publique» puisque malgré l’abstinence que nous préconise notre religion  il serait vain de se boucher les yeux et les oreilles. Il est de notre devoir de donner à chacun la connaissance qui lui permettra ensuite d’assumer son choix personnel.

De jeunes participants ont exprimé l’importance des sentiments, l’importance de l’amour, et la nécessité d’établir des «garde-fous» pour ne pas  tomber dans le piège de la pornographie et de la violence sexuelle, d’où l’importance de l’éducation.

Ce soir là, aux alentours de 23 heures quand chacun est reparti nous avons ressenti une certaine fierté à voir qu’un tel débat pouvait se tenir, en public, sans aucun dérapage, dans notre pays et que nous constituions en cela sûrement un exemple pour bien d’autres pays…

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