Chroniques

École et violences

L’apprentissage dans la violence crée la violence. Le paysage scolaire marocain souffre aujourd’hui de plusieurs maux qui nous interpellent à plus d’un égard. Depuis plusieurs années, nos établissements scolaires accumulent les dérives, les ratés, les non-sens et les absurdités, avec en premier les violences qui font aujourd’hui partie de l’école marocaine comme s’il s’agissait d’une fatalité.


En effet, quand vous envoyez vos enfants à l’école, vous êtes très loin d’imaginer que ce qui est censé être un lieu de connaissance, d’apprentissage, d’ouverture, d’épanouissement, voire de créativité, peut se transformer en un cauchemar de tous les jours. Oui, l’école peut devenir hideuse, voire un enfer pour de nombreux enfants. Il ne faut pas se leurrer, ce que l’on croyait être des pratiques d’un autre âge, ont toujours droit de cité. Les violences physiques et psychologiques sont monnaie courante dans de nombreuses écoles publiques et privées. Dans ce sens, nous avons recueilli de nombreux témoignages de parents d’élèves aux abois, d’écoliers âgés entre 6 et 14 ans, en perdition, qui se font battre par certains de leurs instituteurs et enseignants. Oui, des coups de bâton, des coups de tuyau d’arrosage, des gifles, des coups de poing, des coups de pied, sans parler des injures, des invectives, de l’intimidation et d’autres techniques pour rabaisser les enfants.
Quand nous étions enfants, nous les quadras d’aujourd’hui, nous avons vécu ces horreurs. Mais cela se passait dans les années 80 et 90 du siècle dernier. Et de l’eau devait avoir coulé sous les ponts de la bonne école. Mais il n’en est rien. Si certains responsables ont compris que travailler avec des enfants nécessite de la patience, de la pédagogie, de l’affection, de l’humour et beaucoup de passion pour son métier, d’autres continuent de croire qu’être enseignant c’est d’abord punir. Peu importe le moyen, mais il faut sévir. Pire encore, quand ce sont certains parents d’élèves qui viennent demander aux instituteurs de frapper leurs mômes. Un comble ! Normal que pour ces instituteurs qui doivent être traduits en justice de donner des coups. Ils sont l’aval des parents, qui du coup, eux aussi, doivent répondre de leurs actes devant les juges. Oui, il s’agit de cela. Personne au monde n’a le droit de poser le petit doigt sur un enfant. Encore moins s’il doit lui inculquer le savoir et les valeurs éthiques de la société. La classe n’est pas un ring où certaines personnes viennent déverser leur colère, leur bile, leur mauvaise humeur en tabassant des gamins. La classe est un lieu sanctifié où doivent régner la joie, le partage, l’amour et la gaieté d’être protégé et guidé par un professeur aux valeurs humaines irréprochables. Au lieu de cela, nous avons rencontré des enfants qui ont peur. Des petits pour qui l’école et son enceinte sont aujourd’hui synonymes de violence et de terreur. Violence entre enfants, ce qui est déjà très grave et à prendre au sérieux. Risques de faire les frais de trafiquants de stupéfiants qui ont fait de certains établissements leur terrain de jeu. Crainte de venir en classe et de subir. Repartir chez soi avec les traces des coups sur les doigts, sur la plante des pieds, ou alors le dos cinglé d’un coup de tuyau. Et on ose encore se demander pourquoi certains enfants sont violents, s’adonnent aux drogues et quittent l’école !
La vie et la constitution psychologique de nos enfants sont d’une grande importance. Il faut veiller sur leur épanouissement, leur garantir un climat sain au sein des écoles et ne pas hésiter l’ombre d’une seconde à traduire en justice tout responsable d’un acte de barbarie sur nos enfants. Si tous les parents y mettent du leur, l’école marocaine changera et les tortionnaires seront bannis.
Les conséquences sont directes et la recrudescence de la violence dans nos rues ou nos stades de football comme la criminalité sont le miroir d’une répétition des schémas de l’enfance …

Par Dr Imane Kendili, Psychiatre et auteure

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