Chroniques

En Algérie, à la place des élections, la guerre ?

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Le pays est devenu sous l’ère Tebboune une prison à ciel ouvert où on embastille les gens pour un simple post sur les réseaux sociaux, où le rêve de chaque jeune algérien est de tenter l’aventure de la traversée mortelle de la Méditerranée pour quitter l’enfer algérien à la recherche d’une vie décente.

C’est un scénario qui séduit de nombreux observateurs. Parce que le régime en Algérie serait dans une incapacité politique à organiser les prochaines élections présidentielles pour redonner au président Abdelmajid Tebboune un second mandat, qu’il serait tenté de recourir à tous les subterfuges pour masquer cet aveu d’échec. Et parmi ces solutions de détournement d’attention, une guerre avec le Maroc voisin, si prompt à être le défouloir de toutes les frustrations algériennes.
Si ce scénario est amené à avoir lieu, il aura perdu toute qualité de surprise. Il circule tellement dans les esprits avec une telle évidence qu’il s’avère être un développement logique de cette impasse algérienne. Ce qui est par contre une presque certitude, c’est la difficulté pour ce régime algérien d’organiser des élections présidentielles, sans courir le risque de parvenir à des émeutes civiles, ou de se livrer à une gigantesque opération de trucage qui élargirait le divorce déjà béant entre le pouvoir et les Algériens.
Les raisons de cette incapacité algérienne sont connues. Un bilan économique catastrophique où dans un pays doté d’immenses richesses énergétiques, les citoyens algériens vivent la pénurie au quotidien comme le montre la recherche effrénée de matières de première nécessité, devenue un sport national pour les Algériens ordinaires. Un bilan politique des plus horribles. Le pays est devenu sous l’ère Tebboune une prison à ciel ouvert où on embastille les gens pour un simple post sur les réseaux sociaux, où le rêve de chaque jeune algérien est de tenter l’aventure de la traversée mortelle de la Méditerranée pour quitter l’enfer algérien à la recherche d’une vie décente. Un bilan diplomatique d’une totale aberration. Le régime algérien s’est fâché avec presque tout le monde. Il n’est le bienvenu nulle part et entretient des tensions comme mode d’expression diplomatique au point d’isoler l’Algérie et de la fâcher avec son environnement et ses alliés traditionnels. C’est cet indéfendable bilan qui rend impossible l’organisation de ces élections. Et c’est l’insistance, exprimée jusqu’à aujourd’hui de la part des cénacles militaires algériens de prolonger le mandat de Tebboune qui rend impossible toute compétition politique même en apparence. Pour le moment une seule candidate, sérieuse et crédible aux yeux de beaucoup a fait part de son désir de porter ce défi de la presidentielle. C’est Zoubida Assoul, présidente du Parti pour l’union et le changement et le progrès.
Figure politique adoubée par le Hirak algérien dont elle est devenue une icône, Zoubida Assoul est une femme de caractère avec une personnalité affirmée. Sa volonté de participer à cette présidentielle gêne plus qu’elle ne rend service. Ce régime algérien n’a pas suffisamment d’intelligence politique pour miser sur un tel profil.
Évidemment l’hypothèse du report de ces élections est la plus plausible dans le contexte actuel. Avec cette interrogation majeure : comment justifier aux yeux des Algériens et du monde cette décision qui installe définitivement l’Algérie dans le camp des dictatures militaires irréversibles?
Et c’est dans cette optique qu’intervient l’idée de provoquer un conflit armé avec le Maroc pour pouvoir assurer une permanence de ce régime. Le contexte de guerre justifie toutes les mesures d’exception. Et les Algériens, au lieu de sortir réclamer leurs droits à des élections, seront accaparés par une obsession guerrière, censée aux yeux des militaires algériens, créer un consensus qui ferait l’impasse sur les vicissitudes de la vie politique et économique.
Les quelques mois qui nous séparent du délai légal pour cette présidentielle algérienne seront à n’en pas douter riches de rebondissements. Il faut d’abord s’assurer que le président Tebboune jouisse d’un soutien unanime des multiples courants qui traversent l’institution militaire algérienne. Il faut aussi vérifier le degré d’engagement d’un pays comme la France derrière l’hypothèse d’un second mandat. Ce point sensible et particulier sera aisément vérifiable à travers l’agenda d’une hypothétique visite de Tebboune en France. Enfin il faut, pour les militaires d’Alger, se procurer rapidement une alternative en cas de défaillance de la carte Tebboune. C’est dire à quel point un grand suspense règne dans la vie politique algérienne capable d’évoluer vers le moins grave comme d’atteindre les sommets du pire.
Ce qui fait que l’ensemble de la région maghrébine méditerranéenne et sahélienne suspend sa respiration à ces choix politiques algériens et est condamné à imaginer tous les scénarios possibles et imaginables qu’entraînerait un second mandat de Tebboune imposé par le cliquetis des armes.

Articles similaires

Chroniques

Mon ami le stress …

Pour mieux t’identifier et ne plus te confondre car ça nous arrive...

Chroniques

L’âme d’un pays !

Les centres culturels et les théâtres restent le plus souvent en manque...

Chroniques

Le Polisario, un poison africain

Que ce soit sur le plan diplomatique ou sportif, le Polisario pose...

AutreChroniques

Santé mentale et pouvoir d’achat

Il nous faut faire de la santé mentale des Marocains une priorité...

EDITO

Couverture

Nos supplément spéciaux

Articles les plus lus