Jamais sans doute l’Union européenne n’aura été à ce point écartelée sur une crise internationale majeure dont les conséquences, selon les Nations Unies, menacent la stabilité et la paix dans le monde.
Une des grandes révélations diplomatiques de cette guerre israélienne contre Gaza est l’apparition au grand jour de profondes divergences entre les pays européens sur cette crise. La variété des approches existait déjà mais elle était camouflée dans des perceptions diplomatiques difficiles à identifier. Aujourd’hui, les écarts se voient de façon criante entre d’abord les Etats membres de l’Union et les partis politiques de chaque pays.
Jamais sans doute l’Union européenne n’aura été à ce point écartelée sur une crise internationale majeure dont les conséquences, selon les Nations Unies, menacent la stabilité et la paix dans le monde. Entre une Allemagne, travaillée par son héritage historique, qui soutient aveuglement l’opération militaire israélienne contre Gaza, sans se soucier des pertes civiles et une Espagne qui se dit prête à reconnaître un État palestinien indépendant comme posture de défiance et de critique à l’égard de la politique israélienne.
Entre ces deux positions aux allures extrêmes, la France d’Emmanuel Macron navigue à vue. Tantôt d’un soutien sans faille à Israël, tantôt dénonçant la facture de cette guerre extrêmement élevée en termes de pertes humaines civiles. Tantôt comprenant la nécessité pour Israël de tendre à éradiquer le Hamas, tantôt considérant cette mission presque impossible et exigeant un cessez-le-feu.
L’Union européenne avait déjà, dès le début de cette guerre, provoqué des grincements des dents au sein de la hiérarchie européenne lorsque la présidente de la commission Ursula von Der Leyen s’est distinguée par des déclarations très pro israéliennes, sans grande concertation avec les pays membres de l’Union traditionnellement très équilibrés dans leurs positions. À l’époque, cette précipitation de Van der Leyen était attribuée à ses penchants pro-américains et pro-atlantiques très prononcés.
Cette division au sein du leadership européen a une conséquence immédiate. Elle affaiblit la parole et la crédibilité de l’Union sur la scène internationale. Elle empêche l’Europe d’élaborer une position commune et un mécanisme de pressions efficace. Résultat, l’Union européenne, grande puissance économique, se révèle impuissante politiquement à jouer un rôle déterminant, laissant ainsi le terrain libre à la diplomatie américaine, seule à jouer les premiers rôles dans cette région. L’Europe continuera ainsi à se contenter du rôle de financier de la reconstruction de ce que Israël détruit comme elle l’a toujours fait.
Ces divergences entre les membres de l’Union européenne sur la guerre au Proche-Orient renvoie régulièrement à une position où Bruxelles se met involontairement en position d’attente d’un signal venu de Washington, reconnue comme l’unique maître d’œuvre de la paix ou de la guerre au Proche-Orient.
Cette guerre israélienne contre la bande de Gaza a aussi approfondi les fissures au sein des sociétés européennes, engendrant de nouvelles et d’étranges recompositions politiques. Ainsi est apparue une nouvelle carte politique presque commune aux pays européens. L’extrême droite populiste et démagogique s’est saisie de cette crise pour exprimer un solide soutien à Israël et de se débarrasser à bon compte des accusations d’antisémitisme qui entachaient son passé et son héritage politique. Par ailleurs, l’extrême gauche s’est radicalisée dans sa défense des Palestiniens et ses critiques à l’égard d’Israël au point de tomber parfois dans les excès anti-Israël de ce qui est appelé l’Islamo-gauchisme.
Sur le plan politique interne à cet espace européen est née une nouvelle équation politique où l’extrême droite européenne a montré une empathie et un soutien excessif et opportuniste à l’encontre de l’extrême droite israélienne qui gouverne en Israël avec Benjamin Netanyahu et des personnalités politiquement effervescentes comme le ministre extrémiste israélien de la sécurité nationale, Itamar Bin Gvir ou le ministre fondamentaliste de la finance Bezalel Smotrich.
En ne parlant pas d’une seule voix, en exportant un message brouillé et parfois contradictoire, l’Europe se prive d’une capacité d’influence politique majeure. Si ce genre de divergences européennes avait dominé le débat sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine, sans doute la confrontation militaire entre Moscou et Kiev n’aurait jamais eu lieu.
Tout le débat aujourd’hui au sein des institutions européennes est de voir lequel de ces ailes va finir par emporter la victoire. Celui qui accorde un soutien sans faille à l’armée israélienne quel que soit le coût politique, ou celui qui défend bec et ongles les droits des Palestiniens dans cette tragédie militaire dont personne n’est capable de voir aujourd’hui le bout du tunnel.