«La main de George restait impérieusement tendue. Lentement, comme un terrier qui ne veut pas rapporter la balle à son maître, Lennie s’approcha, recula, s’approcha encore. George fit claquer sèchement ses doigts, et à ce bruit, Lennie lui mit la souris dans la main»
Des souris et des hommes
John Steinbeck

Psychiatre-addictologue
L’humanité a longtemps lutté contre bien des maladies décimantes. Les disettes ont aussi fait leur temps. Le rat a été l’ennemi de l’homme pendent bien des siècles. Traqué, guetté, haï, le rat s’est terré dans une grande sagesse et en connaissance du cycle de la vie.
Le rat a attendu le tour de l’homme pour se rire de lui. Aujourd’hui, l’homme se terre. L’homme se fuit. L’homme se mure. L’homme a peur de lui-même. Malheureusement, l’homme n’étant pas terrien, il ne possède pas cette mémoire collective sage qu’a le rat ou avant lui le mammouth. L’amygdale est une entité cérébrale bien présente chez l’homme, centre de toutes les peurs et socle de nos angoisses. Le plus drôle est cette peur bobologique inhérente à l’homme qui craint une rage de dents et sort embrasser la foule en conquérant invincible en temps de Covid. Les masques sont portés par certains en «dessus» sexy accessoirisés. On retrouve des schwarowskis sur certains, des griffes en contrefaçon ou pas, scandaleuses certes, mais acceptées. Pire ritualisées ! Faites vos achats pour des masques dernier cri qui ne couvriront pas vos lèvres repulpées au time-filler pour une oralité désormais muselée. C’est le cas de le dire ! Nous en sommes au musellement.
Pas contraint ni forcé mais désiré. Qui aurait cru ?
Revenons au rat ou à la souris. Le rat est une sorte de race «aryenne» d’origine sélective naturelle chez les rongeurs. Il incarne symboliquement la sagesse en Chine. Le burlesque est à son comble ! Un virus importé de Chine afin de projeter la sagesse du rat en chacun de nous.
La traque arrive à grands pas. Les regards noirs fusent. Les personnes contacts sont de mauvais augure. Avoir un parent atteint de Covid tient du mauvais œil ou d’une malédiction résistant à l’eau salée cette fois-ci. Les charlatans et scribes en tout genre doublés des cartomanciennes et apothicaires de fortune aux étalages toxiques sont à court de recettes miracles.
Et pourtant si le miracle ne pointe pas du nez, la magie devra porter ses fruits. En tous cas tout autre état possible imaginaire, virtuel ou paranormal mais surtout pas la réalité, la responsabilité ou l’acceptation. Normal. Car cela engage un engagement concret où la magie n’a pas de place. Les litres de plomb adulés par les Marocains tous niveaux socio-économiques confondus, l’intellectuel étant à re-catégorifier à la sauce locale, ne donneront vie qu’à de nouvelles années de plomb. La symbolique perdure si la magie s’envole.
Réveillons-nous !
La vie ne changera pas car les chamans ont pleuré toute la nuit pour la pluie ou que nos prières ont été ferventes et démesurées. L’action passe par l’acceptation de la réalité.
Le retour à la réalité est rude mais nous y sommes.
Les étapes sont claires. Après le déni, la colère, la fuite, viendra l’acceptation.
La fuite est le mécanisme le plus visible ces derniers mois. On attend la fin du cauchemar et on se projette dans une vie post-Covid. On attend un miracle. On attend le retour à l’école. On demande la libération. Ou plutôt l’aliénation. Le souffle court pour souligner le paradoxe, nous attendons nos passeports immunitaires et nous faisons la queue pour les tests Covid, la boule au ventre.
Nos enfants sont dans une totale insécurité du lendemain. Au gré des résiliences, certains y resteront. L’agoraphobie et l’addiction aux écrans sont à revoir dans les classifications puisque la frontière entre normal et pathologique fait glisser l’aiguille du pathologique vers une normalité d’adaptation forcée.
De même que les relations sociales multiples en tant que signe de bonne santé. Garder sa santé aujourd’hui rime avec garder ses distances. Ne pas baisser sa garde. On est à l’abri terrés chez soi en sécurité dans l’ombre. Le sablier arrive à son écoulement final. L’ordre des hommes est fortement secoué par la nature qu’il a lui-même courroucée. Les niches sont en branle. La sélection naturelle s’opère sans nous. Aucune intelligence humaine ou artificielle n’est requise.
L’ordre est sagement observé par les rats. Mais cette fois, les premiers qui quitteront le navire seront les hommes. Nous devons nous rendre à l’évidence. Nous sommes faits comme des rats.