Ce qui rend cette hypothèse peu probable dans le contexte actuel c’est que le président Emmanuel Macron n’a pas encore joué toutes les cartes pour tenter de convaincre le régime algérien de revenir à la raison.
Alger et Paris se dirigent-ils inéluctablement vers une rupture des relations diplomatiques ? C’est en tout cas le sentiment qui domine cette escalade de tensions dans leurs relations et les minces possibilités de normalisation qui s’offrent aux deux pays.
Après une apparente accalmie initiée par le coup de téléphone entre Emmanuel Macron et Abdelmajid Tebboune, suivie par la visite de Jean-Noël Barrot à Alger, la confrontation politique et la rupture entre les deux pays sont reparties de plus belle. Paris accuse Alger d’avoir tenté de monter des opérations d’enlèvement d’opposants sur le territoire français en flagrante violation de toutes les conventions entre les deux pays.
Après cette phase d’expulsion réciproque de diplomates et le rappel de l’ambassadeur français, l’interrogation qui domine les cercles du pouvoir des deux côtés de la Méditerranée est : quelle sera l’étape suivante ? Sera-t-elle acculée à une indispensable accalmie au regard des enjeux lourds et vitaux de cette très particulière relation entre la France et l’Algérie ? Ou ira-t-elle vers plus de tensions jusqu’à atteindre la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays?
Même s’il paraît politiquement impossible aujourd’hui, ce scénario n’est pas à exclure dans l’évolution de cette effervescente relation entre Alger et Paris. Enjeu. Des forces aussi bien en Algérie qu’en France qui pourraient trouver un intérêt stratégique commun à ce divorce.
D’abord en Algérie où la haine de la France a longtemps fonctionné comme un carburant pour légitimer la prédation politique et économique du système algérien issu de la décolonisation. Aujourd’hui le régime algérien ne tient que par une double haine. Celle à l’égard de son voisin marocain et celle à l’égard de son ancien colonisateur la France.
Ensuite en France où des milieux de droite et d’extrême droite sont devenus politiquement épidermiques au fait algérien en France qui charrie avec lui une violence intrinsèque et un danger permanent sur le vivre-ensemble.
Théoriquement, l’intérêt de ces deux tendances serait d’aller à la grande rupture pour crever les abcès de cette histoire commune entre les deux pays avec l’espoir de la reconfigurer sur de nouvelles bases. En tout cas c’est sur ce point particulier de divergence que la doctrine officielle algérienne est en train d’appuyer pour justifier cette crise avec la France.
Pour Alger, le grand méchant politicien qui veut, pour des raisons de braconnage électoral, jeter l’huile sur le feu n’est autre que le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau. D’ailleurs aussi bien la presse écrite algérienne dans une surprenante unanimité que les chaînes de télévision ont pris Retailleau comme bouc émissaire. Si le sentiment de l’impasse domine ces relations, ce serait uniquement par la faute d’un homme, Retailleau, à la foudroyante ambition présidentielle.
En cantonnant ses attaques sur le ministre de l’intérieur, le régime algérien veut faire croire que la crise n’est pas de son fait ni de ses choix politiques mais celle d’une droite radicale nostalgique de l’Algérie française. Cet angle d’attaque présente, a priori, l’avantage de s’offrir des portes de sortie non pas à travers une mise à plat de toutes les divergences politiques entre Paris et Alger mais à travers une sortie de Bruno Retailleau de la photo gouvernementale. Ce qui, vu l’absence de majorité et l’instabilité politique qui caractérisent la scène française depuis les dernières législatives, peut arriver à n’importe quel moment. Le gouvernement de François Bayrou n’est pas à l’abri d’une motion de censure et le Parlement français d’une dissolution.
La crise entre la France et l’Algerie ira-t-elle donc jusqu’à connaître une rupture des relations diplomatiques? Ce serait non seulement historique mais gravement chargé de tous les risques pour les deux pays. Ce qui rend cette hypothèse peu probable dans le contexte actuel c’est que le président Emmanuel Macron n’a pas encore joué toutes les cartes pour tenter de convaincre le régime algérien de revenir à la raison. Cartes de séduction bien sûr mais cartes de dissuasion. Emmanuel Macron qui a débuté son premier mandat comme le président de la République qui a exprimé la plus forte déclaration d’empathie à l’égard de l’Algérie au point que son tropisme algérien faisait tache dans le casting présidentiel de la cinquième République ne voudrait certainement pas terminer son second mandat par une rupture diplomatique avec l’Algérie.