Chroniques

France-Maghreb, impasse croisée !

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Malgré tous les efforts de Paris, aucune date n’a encore été fixée pour la visite d’Etat du président Emmanuel Macron à Rabat, reportée à plusieurs reprises. Et malgré tous les efforts d’Alger, aucune date non plus n’a encore été choisie pour organiser la visite d’Etat du président algérien Abdelmajid Tebboune à Paris.

Il y a une étrange illusion d’optique qui caractérise actuellement les relations entre la France et les pays du Maghreb. Un sentiment de mouvement où la dynamique du changement est régulièrement relancée doublé d’une impression de paralysie statique où rien ne bouge dans les faits. Une sorte de moulin à vent qui tourne à vide. Les gestes de bonnes intentions se multiplient sans que cela n’augure de réelles avancés entre la France et les capitales du Maghreb.
Cette atmosphère a la particularité d’être commune à la relation entre la France et le Maroc et la France et l’Algérie. Les deux situations se ressemblent étrangement. Elles ont un facteur révélateur commun qui touche les visites d’Etat entre la France et le Maghreb et qui focalise la tension et l’impasse. Malgré tous les efforts de Paris, aucune date n’a encore été fixée pour la visite d’Etat du président Emmanuel Macron à Rabat, reportée à plusieurs reprises. Et malgré tous les efforts d’Alger, aucune date non plus n’a encore été choisie pour organiser la visite d’Etat du président algérien Abdelmajid Tebboune à Paris.
Ces visites ne sont pas un détail de cette crise diplomatique entre la France et le Maghreb. Elles constituent un enjeu majeur. Qu’elles aient lieu et toutes les ambitions diplomatiques sont permises. Qu’elles soient reportées à des calendes grecques et elles éclairent l’épaisseur de la crise d’une lumière crue.
À l’égard de Rabat, Paris a tenté de faire bouger les lignes de sa perception de la crise qui paralyse ses relations avec le Maroc. Une opération entamée par les déclarations très pro marocaines de l’ambassadeur français aux Nations Unies Nicolas de Rivière, lors de la discussion de la fameuse résolution 2703 sur le Sahara. Quelques semaines plus tard, c’est l’ambassadeur français au Maroc Christophe Lecourtier qui prend le relais pour envoyer des messages positifs à l’égard du Maroc et tenter de réanimer et d’insuffler de la chaleur dans l’axe Rabat-Paris.

Difficile de remettre en cause la bonne volonté de l’ambassadeur français à Rabat qui est dans son rôle de travailler à l’amélioration des relations entre les deux pays. Mais sa dernière sortie médiatique pose quelques questions. D’abord le choix d’un média confidentiel dont l’audience ne dépasse pas certains quartiers de Casablanca. Malgré le travail de revente et de marketing sur les réseaux sociaux, l’impact de cette interview fut très limité. Aucune reprise dans les grands médias français à la hauteur de l’importance de ces déclarations et de ce tournant. Un ambassadeur français parle et aucun écho parisien, lieu du véritable pouvoir, ne répond.

Cette situation et le peu d’échos qu’elle a produits aussi bien au sein des médias et de la diplomatie française donne cette embarrassante impression que la sortie de l’ambassadeur ne sera pas suivie des effets désirés par le Maroc. Rabat aurait bien aimé que les déclarations de M. Lecourtier et leurs traductions diplomatiques soient sorties de la bouche du président Emmanuel Macron et de sa ministre des affaires étrangères Catherine Colonna. Les optimistes entêtés diront que cet ambassadeur particulier ne parle que sur ordre de sa hiérarchie, mais cela ne parvient pas à dissimuler ce malaise de l’insuffisance diplomatique.

À l’égard de l’Algérie, Paris vit presque le même surplace diplomatique. Récemment, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin a été reçu par le président Tebboune. Les deux responsables ont certainement discuté de nombreux sujets d’intérêt commun, Proche-Orient, immigration, Sahel… mais aussi l’événement tant attendu par le président algérien, une visite à Paris. Dans le contexte actuel, alors que Tebboune se prépare à un second mandat, un tel événement équivaut politiquement à un soutien français massif à ce projet. Or, malgré de nombreuses tentatives algériennes, cette visite n’a toujours pas été programmée. Ce qui renseigne sur l’ampleur de l’hésitation française sur cette question très sensible.

La propagande officielle algérienne tente d’expliquer ce report multiple par des divergences d’ordre protocolaire. Tebboune serait gourmand en termes d’activités et de programmes, impossible pour la partie française de le satisfaire sous peine de se transformer en agent électoral du président algérien.
Aussi bien cette visite que l’ensemble des dossiers de crise dans la relation franco-algérienne sont toujours en suspens. Le supposé tropisme du président Macron n’a eu aucune traduction diplomatique sérieuse sauf celle de maintenir la position française à l’égard du Maghreb dans une sorte de flou, voire d’impuissance à avancer.

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