Chroniques

François Bayrou, un Premier ministre en sursis malgré tout

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Malgré la fragilité politique du gouvernement de François Bayrou, tout indique qu’il possède des capacités à durer dans le temps. Pour qu’il tombe dans les semaines à venir, il faut accomplir deux petits miracles.

Par les temps qui courent, avoir échappé miraculeusement à une motion de censure n’est pas une garantie de stabilité. C’est le cas du Premier ministre français François Bayrou qui, contre toute attente, est sorti indemne de la grande essoreuse parlementaire qui accompagne traditionnellement le vote du budget.
François Bayrou s’était engagé à ne pas recourir au fameux article de la Constitution, le 49.3, qui lui permet de passer ses lois sans discussion ni vote parlementaires. Par manque de majorité, il a fini par s’y résoudre. Et pourtant les oppositions qui avaient à un moment donné, toutes claironné que le recours à cet article castrateur du débat parlementaire était une ligne rouge qui valait censure automatique.

A partir du moment où François Bayrou a présenté, presque à quelques changements mineurs, le même budget que Michel Barnier pour lequel il s’est pris une censure entre les dents, nombreuses questions ont été posées : qu’est-ce que François Bayrou a pu performer que Michel Barnier avait complètement raté ? Pour les minimalistes de l’explication : rien, si ce n’est que le contexte politique avait changé et que les intérêts des partis très motivés par la censure ne convergent plus. François Bayrou a pu profiter de deux microclimats politiques qui se sont avérés extrêmement profitables à tel point qu’il est possible de les considérer comme sa véritable assurance vie.

Le premier touche la gauche. Des divisions sourdes aussi de la nouvelle alliance de gauche dirigée médiatiquement par l’insoumis Jean-Luc Mélenchon ont fini par éclater au grand jour. Autant la France insoumise cherchait à tout prix à créer les conditions d’une vraie crise de régime qui passe par une impasse institutionnelle qui rendrait la France ingouvernable et qui obligerait Emmanuel Macron à démissionner et à organiser une présidentielle anticipée, autant le parti socialiste s’est opposé à cet agenda et voit la déstabilisation du second mandant comme un véritable danger politique. D’où sa décision d’accepter les concessions minimes de Bayrou sur le budget et de ne pas voter la censure.

Le second facteur touche le Rassemblement national de Marine Le Pen. Autant avec Michel Barnier, il y avait un besoin politique d’affirmer sa toute nouvelle puissance acquise par les urnes, autant avec François Bayrou il s’agit de montrer le visage de la responsabilité d’un parti qui n’est pas uniquement obnubilé par le chaos puisqu’il aspire un jour à assumer les plus hautes fonctions de l’Etat. Et si on rajoute à cette préoccupation la grande épée de Damoclès judiciaire qui pèse sur le destin électoral de Marine Le Pen dont la clarification est prévue fin mars, force est de comprendre que l’hésitation de l’extrême droite à censurer François Bayrou est justifiée.

Malgré la fragilité politique du gouvernement de François Bayrou, tout indique qu’il possède des capacités à durer dans le temps. Pour qu’il tombe dans les semaines à venir, il faut accomplir deux petits miracles. Le premier est une réconciliation subite entre les différentes composantes de la gauche, que socialistes et insoumis entonnent la même chanson politique. Le second est que les intérêts politiques de l’extrême droite, dont la cheffe pourrait être frappée de la foudre de l’inéligibilité, pourraient converger avec ceux de l’extrême gauche. Sans ces deux évolutions, François Bayrou est assuré de rester à Matignon encore pour longtemps, et pourquoi pas ne pas envisager de terminer le second mandat avec Emmanuel Macron.

Malgré cette assurance, le destin de François Bayrou reste entre les mains du président de la République. En juin prochain, Emmanuel Macron retrouvera son pouvoir constitutionnel de dissoudre l’assemblée nationale et d’appeler à de nouvelles élections législatives anticipées. Le fera-t-il pour redonner aux Français la parole pour qu’ils puissent envoyer à l’Assemblée nationale une majorité cohérente capable de gouverner sans anicroches ? Ou s’abstiendra-t-il de le faire estimant que par manque d’enjeux de sa réélection, il pourrait continuer à gérer le pays avec la même carte et les mêmes rapports politiques.
Il se murmure qu’à défaut de dissoudre l’Assemblée, Emmanuel Macron pourrait redonner la parole aux Français à travers l’organisation d’un referendum dont il faut encore déterminer les enjeux. Un référendum sur l’immigration, sur le modèle social français, sur le vivre-ensemble… tout semble ouvert pour Emmanuel Macron pour tenter de dynamiser le jeu politique en France.

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