Chroniques

Gitex Africa : Encourageons l’essor des fintechs inclusives

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le développement des services financiers nécessite un certain nombre de conditions sur lesquelles nous devons tous travailler ensemble.

Pour l’experte diplômée de HEC Paris, le développement des services financiers est conditionné par quatre paramètres. En voici les détails.
Le Gitex Africa a démarré. Au programme un sujet qui nous tient à cœur chez Inskip et qui s’avère déterminant pour la croissance économique du continent : les fintechs à impact et plus précisément celles qui rendent la finance plus inclusive en Afrique. L’accès aux services financiers est crucial tant pour les particuliers que pour les entreprises. Or les infrastructures bancaires maillent inégalement les territoires, et quand c’est le cas, tous n’y ont pas accès. En Afrique sub-saharienne, seulement 55% des habitants disposaient en 2021 d’un compte en banque (CGAP, 2021).

L’enjeu est clair. De nombreuses start-up l’ont compris et œuvrent dans ce domaine. Elles représentent les services qui émergent depuis quelques années : les services bancaires mobiles (M-Pesa, Airtel Money); les services de prêt entre particuliers ; les plateformes de crowdfunding pour projets innovants dans l’agriculture, l’énergie ou encore l’éducation ; les systèmes de paiements sans contact (Flutterwave, Yoco) ; les services basés sur la blockchain (Ejara.io) ; et les services d’Embedded Finance qui consistent à embarquer dans des applications pré existantes, des services financiers divers.

Mais cette croissance ne va pas de soi, et le développement des services financiers nécessite un certain nombre de conditions sur lesquelles nous devons tous travailler ensemble. J’en vois quatre.
La première serait, à mon sens, de structurer et renforcer les filières fintech à impact : les start-up ont besoin d’accompagnement, d’investissement et d’expertise. Au Maroc, CDG Invest a ainsi créé le Fintech Center, un programme dédié aux fintechs visant à les accompagner et à financer leur développement et à plus largement structurer un écosystème dédié.

D’autres acteurs institutionnels comme l’IFC ou la Banque africaine de développement jouent un rôle clé, en permettant aux start-up arrivées à maturité d’obtenir des financements et toucher de larges publics jusqu’alors négligés par les banques. C’est la raison pour laquelle je crois à la nécessité de structurer à l’échelle nationale des filières fintech inclusives, réunissant au sein de programmes d’accompagnement les entrepreneurs, les financeurs (investisseurs, banques, fondations), les entreprises et les experts.

La seconde renvoie à l’éducation financière des populations: les applications financières mobiles ne sont utiles que si leurs utilisateurs savent pourquoi et comment les utiliser. Les gouvernements et les entreprises doivent ainsi contribuer à améliorer la literacy financière et numérique en fournissant des formations et des ressources éducatives pour les utilisateurs. La plateforme marocaine Diramino, que nous avons déployée avec Bank Al-Maghrib, répond directement à cet objectif. À date, elle a mobilisé plus de 12.000 utilisateurs. Ailleurs, des start-up fintech (Cowrywise, M-Kopa) mettent à disposition des guides et de nombreuses vidéos d’éducation financière

Faciliter la transformation des banques et assurances représente la troisième condition. L’innovation financière ne pourra avoir d’impact que si elle émane aussi des grands acteurs financiers. Ainsi, l’autorité de contrôle des assurances au Maroc (ACAPS) oeuvre à stimuler l’innovation au sein du secteur de l’assurance. Au Kenya, l’entreprise de télécommunications Safaricom, déjà à l’origine de M-Pesa, a lancé BIMA, une micro-assurance disponible visant les foyers à faibles revenus.

Enfin, la dernière condition pour développer les services financiers réside dans le renforcement du cadre réglementaire : l’innovation constatée sur les marchés africains est façonnée par les réglementations nationales. Le Maroc a depuis 2014 renouvelé son appareil réglementaire, avec le soutien de Bank Al-Maghrib. Les trois chantiers clés, parmi beaucoup, pourraient se résumer à œuvrer au développement du mobile banking, de l’open banking et à encadrer les activités basées sur la blockchain.

Force est de constater la forte accélération que connaissent les acteurs de la fintech en Afrique. L’heure est à la structuration des filières, de façon à industrialiser les approches et maximiser l’impact. Les axes de travail sont clairs, reste à nous engager ensemble pour les renforcer. Les pays qui s’engageront le plus vite dans cette voie seront ceux qui auront la plus grande croissance et pourront réduire les inégalités d’accès aux services financiers.

Par Kenza Boughaleb

Partner chez INSKIP Entrepreneurs

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