Chroniques

Hors-jeu : Le délit de silence

Le Premier ministre, Abderrahmane Youssoufi, a décidé dès son arrivée à la Primature de boycotter la presse écrite nationale. C’est son droit le plus absolu puisqu’il doit avoir des raisons. Même s’il ne tient pas à les divulguer. Certains médias ont critiqué cette attitude avec virulence, d’autres, plus nombreux, ont respecté sa volonté même si la frustration professionnelle était grande. Le champion du monde en titre de 1500m, Hicham EL Guerrouj, vient de décréter le même droit au silence. Certes la comparaison semble un peu disproportionnée vu l’envergure, l’âge et l’expérience du Premier ministre. Mais dans un Etat de droit, la liberté individuelle n’est pas assujettie à des échelles de grandeur en matière de citoyenneté. El Guerrouj a tous les droits de se taire mais aussi de risquer d’en subir les conséquences si la presse sportive « s’ingénie » à lui rendre la pareille. Il faut toutefois prendre en considération l’inexpérience du numéro un de l’athlétisme mondial qui est un jeune homme encore fragile. Son visage d’éternel petit enfant balbutiant devant les caméras constitue pour lui une circonstance atténuante. Il est certain qu’il a pris cette décision intempestive sous le coup de la colère après avoir subi, pendant des semaines, un lynchage médiatique des plus acharné. Son tort est d’avoir hérité de deux fermes à Berkane que l’Etat lui a octroyées pour ses bons et loyaux services à hisser haut le drapeau national. Mais curieusement, ce don parmi les milliers offerts à d’autres, a soulevé un tollé général impliquant les ouvriers, les syndicats et la presse. Comme si c’est la première fois que l’Etat s’est montré généreux envers un citoyen dans un système rentier pourtant ancré depuis des lustres. On aurait tout compris, si les détracteurs de Hicham avaient agi de même avec les politiques, les syndicalistes et autres privilégiés qui ont bénéficié de fermes, d’agréments de transports, de carrières de sable et autres. C’est curieux, face aux puissants les détenteurs de la conscience du peuple, n’ont jamais trouvé le courage pour dénoncer leurs abus et la multiplicité de leurs privilèges. Le champion mondial mérite mieux que beaucoup d’autres d’être récompensé pour ses performances mondiales. Maintenant s’il a décidé de ne plus s’adresser à la presse nationale, il y a fort à parier qu’il changera d’avis quand sa colère baissera d’un cran. Encore faut-il préciser qu’il Il n’existe pas dans le lexique de la liberté d’expression une loi qui parle d’un délit de silence.

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