Ce débat sur l’immigration et son lien avec les affaires terroristes était un cadeau du ciel pour l’extrême droite et la droite républicaine en France. Il est intervenu à un moment crucial où les différentes écuries politiques se préparent à lancer leur champion à l’assaut de l’Élysée.
Les deux récents événements terroristes qui ont frappé récemment la France et la Belgique, l’assassinat dans la ville d’Arras du professeur Dominique Bernard par un jeune tchétchène et l’exécution de deux touristes suédois à Bruxelles pour un Tunisien se réclamant de Daesh ont relancé ce vif débat sur l’existence d’un lien entre immigration et terrorisme.
Il faut rappeler que le débat politique sur l’immigration était déjà au comble de sa tension bien avant ces attentats terroristes. Les positions des uns et des autres étaient si clivées que le gouvernement d’Elisabeth Borne était dans l’impossibilité de présenter sa nouvelle loi sur l’immigration à la discussion et au vote parlementaire sans être obligée de recourir à l’argument massue du 49.3. D’ailleurs, une dès conséquences directes de ces attentats est la décision du gouvernement de programmer la discussion de cette loi sur l’agenda parlementaire du mois de décembre prochain.
Ces deux attentats terroristes commis par un Tunisien clandestin en Belgique et un jeune tchétchène fichié «S» en France, impossible à expulser, ont permis aux promoteurs d’une loi sur l’immigration plus ferme de faire entendre leurs voix et de tenter de faire pencher la balance de leur côté. Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, en charge de ces dossiers, s’est emparé de ces accélérations en demandant une modification urgente de la loi pour lui permettre d’expulser facilement sans qu’il y ait oppositions et blocages de la part des associations de défense des droits des immigrés.
Ce débat sur l’immigration et son lien avec les affaires terroristes était un cadeau du ciel pour l’extrême droite et la droite républicaine en France. Il est intervenu à un moment crucial où les différentes écuries politiques se préparent à lancer leur champion à l’assaut de l’Élysée. Les différentes études d’opinion sont presque unanimes à donner, comme une fatalité, Marine Le Pen, icône de l’extrême droite finaliste de la prochaine présidentielle.
Le grand point d’interrogation aujourd’hui concerne l’identité de son challenger. Sera-t-il issu de la majorité présidentielle que tente d’incarner un homme comme le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin ? Ou de la droite républicaine toujours à la recherche d’un chef qui peut prendre la place qu’occupe symboliquement encore Nicolas Sarkozy ? Ou de la galaxie de la gauche actuellement victime d’une guerre d’ego et de courants paralysante ?
Aujourd’hui il y a un intérêt stratégique pour certaines forces politiques à continuer d’entretenir ce climat de suspicion à l’encontre des problématiques de l’immigration. Souffler sur la braise équivaut à fournir à l’extrême droite des arguments de campagne électorale et installer une atmosphère de séduction à l’égard des Français encore hésitants à croire que l’extrême droite au pouvoir en France est une probabilité envisageable et acceptable.
Dans cette volonté politique et électoraliste de lier immigration et terrorisme, le risque est grand de voir tout le débat politique en France se concentrer exclusivement sur cette problématique, rendant secondaires voire marginales les autres préoccupations sociales et économiques des Français. Pire, les principaux acteurs de ce jeu politique sont entrés dans une logique de surenchères à qui appuie le plus fort là où cela peut faire mal et engranger de nouveaux sympathisants. C’est en tout cas dans ce contexte qu’il faut décrypter la stratégie du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin de cibler le joueur français d’origine algérienne Karim Benzema qui évolue actuellement dans le championnat saoudien et de dénoncer ses liens supposés avec la confrérie des Frères Musulmans.
Entre l’extrême droite et la droite républicaine, une course à la radicalité est ouverte. C’est à celui qui est capable de fournir la posture la plus spectaculaire, la plus tranchée. Amplifiée par les réseaux sociaux et la doctrine des punchlines, cette dynamique de compétition politique et médiatique ne semble pas avoir de limites. Plus les échéances électorales approchent, européennes et présidentielles, plus le discours anti-immigrés se radicalise.
Face à cette escalade verbale et politique, ce qu’on appelle communément la gauche ou la droite de gouvernement semble avoir cédé le terrain à cette surenchère. Comme s’il est définitivement acquis que les prochains scrutins électoraux ne seront gagnés qu’à l’aune de la gestion de la crise migratoire. Le trophée de la victoire sera remis à celui qui offrira les solutions les plus radicales, susceptibles de frapper les imaginaires et de séduire les esprits.