Chroniques

Initiative chinoise et dénouement espéré de la guerre en Ukraine

© D.R

Il est clair que Moscou reste attachée à la question du développement sur le terrain et signale un intérêt principal pour les territoires ukrainiens qu’elle contrôle.

Les médias parlent de l’initiative de paix en 12 points ou du plan de la Chine pour mettre fin à la crise en Ukraine. Le magazine Newsweek a confirmé que le plan comprend la levée des sanctions contre la Russie et le soutien à la souveraineté de la Russie et de l’Ukraine, la sécurité nucléaire et d’autres questions.
La question qui se pose dans ce contexte est celle de la probabilité de succès de ce plan. Il y a plusieurs facteurs à prendre en compte. Le premier est la mesure dans laquelle l’Occident acceptera le plan chinois, quel que soit son contenu, même comme base de dialogue.
Ici on peut dire que les USA n’accepteront pas pratiquement la proposition chinoise sur la crise ukrainienne. Washington est sceptique quant au soutien chinois à la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine, on peut donc supposer qu’il ne considère pas Pékin habilitée à agir en tant que médiateur.
Le plan chinois qui a fait l’objet d’une fuite est toutefois lié à la levée des sanctions occidentales imposées à la Russie par les États-Unis et certains de leurs alliés au sujet de la crise. Mais il ne s’agit pas seulement des sanctions russes.
Washington verra dans la proposition chinoise une manœuvre pour faire avancer son propre agenda sur la question des sanctions unilatérales non imposées par une résolution de l’ONU, qui vise généralement à renforcer l’influence stratégique de la Chine au niveau international et à ouvrir la voie pour saper ce mécanisme sur lequel l’Occident mise dans ses relations avec de nombreux acteurs comme la Russie, l’Iran, la Corée du Nord et d’autres.
Un autre point de discorde vient du point de vue occidental. Il s’agit du respect des frontières souveraines des pays sans résoudre la question du retrait de la Russie d’Ukraine. Ce point est conforme aux constantes de la politique étrangère de la Chine, qui repose sur le respect de la souveraineté des États.
Il s’accorde également avec la position de la Russie selon laquelle une grande partie de l’Ukraine se trouve à l’intérieur des frontières souveraines de la Russie. La Russie a déjà formellement annexé une partie de ce territoire, malgré la réticence de l’Occident à le reconnaître. Globalement, la proposition chinoise n’est pas la première du genre à cet égard.
Il existe une proposition du président ukrainien Volodymyr Zelensky. La Russie n’y a pas répondu, car elle prévoit la restitution de l’ensemble du territoire ukrainien et le retrait complet des troupes russes.
Le président brésilien Lula da Silva a également fait des propositions, dont la Russie a confirmé par l’intermédiaire du vice-ministre des affaires étrangères Mikhaïl Galouzine qu’elle les étudie.
Mais il est clair que Moscou reste attachée à la question du développement sur le terrain et signale un intérêt principal pour les territoires ukrainiens qu’elle contrôle, de sorte que cet engagement doit être permanent ou peut ultérieurement faire l’objet de négociations et de concessions mutuelles dans le cadre de l’accord conclu avec les Occidentaux.
La Russie, elle aussi, ne répond pas aux médiateurs qui se sont révélés être des alliés de l’Occident dans la crise ukrainienne, ce qui est évident.L’Occident s’inscrit dans la même logique. Indépendamment de l’efficacité de ces initiatives et propositions, elles peuvent représenter des approches précieuses dans la recherche d’une issue à une crise qui a marqué sa première année sans qu’une fin claire soit en vue.
Par conséquent, les efforts des puissances et des parties internationales pour résoudre la crise peuvent constituer une bouée de sauvetage pour les deux parties. Tout le monde sait qu’une guerre doit avoir une fin ; compter sur une partie pour épuiser les forces et les ressources de l’autre ne conduira pas aux résultats escomptés.
La Russie et les pays occidentaux qui soutiennent l’Ukraine disposent d’énormes ressources pour maintenir le conflit. Les deux parties ont le désir de remporter une victoire militaire décisive ou tactique et elles réalisent également que, tôt ou tard, il sera vital de s’asseoir à la table des négociations.
Mais les initiatives et les propositions, qu’elles viennent de la Chine, du Brésil ou d’autres pays, constituent un effort sérieux pour trouver une issue à la crise. Les pertes de guerre dont beaucoup dans le monde paient le prix ne sont pas d’un côté sans l’autre.
Dans l’hypothèse d’une victoire militaire de la Russie, l’Occident se trouvera à un tournant stratégique jamais vu dans son histoire récente. Mais la Russie ne restera pas en sécurité et surtout pas stable économiquement.
Si l’Ukraine parvient à repousser militairement la Russie, elle ne poursuivra pas son chemin en tant que pays sûr et stable et ne reviendra pas sur la scène mondiale comme elle l’était économiquement, politiquement et industriellement avant la guerre, il y a des années et peut-être des décennies. De plus, l’Occident continuera à supporter la lourde facture de cette guerre.

La Russie et les pays occidentaux qui soutiennent l’Ukraine disposent d’énormes ressources pour maintenir le conflit. Les deux parties ont le désir de remporter une victoire militaire décisive ou tactique.

Le pire scénario de cette crise est que le conflit s’éternise malgré les pertes, car l’une des parties ne parvient pas à remporter une victoire militaire complète sur l’autre. Une telle possibilité est réelle à un degré considérable.
L’Occident est de plus en plus déterminé à humilier l’armée russe qui n’acceptera pas une défaite ou même une déroute tactique, comme ce fut le cas pour l’armée soviétique en Afghanistan, même si cela implique le recours à des armes de destruction massive. Tout cela rend d’autant plus important pour les puissances internationales et régionales de maintenir leurs efforts et leur coordination pour inciter les parties en conflit à s’asseoir à la table des négociations pour trouver une issue à une situation complexe et apparemment sans fin.

Par Salem AlKetbi

Politologue émirati et ancien candidat
au Conseil national fédéral

Articles similaires

Chroniques

L’extrême droite caracole en tête des sondages en France

L’extrême droite, incarnée par Jordan Bardella, semble avoir le vent en poupe....

Chroniques

Mieux communiquer, mieux vivre…C’est inspirant, d’être inspirant !

Pour réussir à inspirer les autres et pour réussir à être inspiré...

Chroniques

Le renseignement face à l’essor des criminels en col blanc

Dans ses formes les plus raffinées, la criminalité en col blanc se...

Chroniques

Le terrorisme international appartient-il au passé ?

La menace de la terreur n’a pas disparu de notre monde