Chroniques

Jalousie et pathologies associées

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On le sait, depuis que le monde est monde, il y a toujours eu ceux qui se mouillent et ceux qui regardent la pluie tomber.

Sans l’ombre d’une hésitation, il faut le dire haut et fort, il y a quelque chose de complètement exaspérant et aberrant, voire absurde, face à ce que traverse le Maroc en ce moment alors qu’il est la cible d’attaques haineuses de la part de la France et de l’Algérie ainsi qu’une clique de députés de cette Europe sénile et en fin de cycle: cette inclination à l’autoflagellation que les Marocains aiment nourrir et entretenir. Une tendance couplée au misérabilisme assaisonné à toutes les sauces. Souvent, nous avons battu des records en nous victimisant et en accusant tous les autres de nos maux. «Je n’ai pas réussi, c’est la faute à l’autre», «Je n’ai pas pu gagner de l’argent, c’est la faute au riche qui m’a volé», «Je suis resté le faux jeton que je suis, c’est la faute à l’autre qui m’a mis les bâtons dans les roues», «Je suis petit, minable et haineux, c’est la faute à tous les autres qui m’ont jeté un mauvais sort et frappé du mauvais œil», «Je n’aime pas ceux qui réussissent, parce que tous ceux qui ont amassé de l’argent, qui ont fait fortune, qui vivent mieux et qui affichent leurs richesses sont des voleurs, des escrocs, des mafieux, des criminels qui doivent être poursuivis, parce que, moi je n’ai rien pu faire de tout ça ayant passé ma vie à envier les autres, à les insulter dans leur dos, à médire d’eux, à inventer des histoires à dormir debout pour saloper leurs réputations sans y arriver, puisque, eux, ils sont là où ils sont, réalisant de belles et puissantes choses, et moi, le con, je marine toujours dans mes miasmes».

Et les propos nauséabonds de fleurir sur la Toile, entre réseaux sociaux, qui ont donné à tous les médiocres et à tous les cons voix au chapitre pour débiter leurs âneries avec fierté.

C’est en somme cela la situation de millions de personnes qui vivent à coup de rancœur, de haine, de jalousie, d’envie maladive et de ressentiment à l’égard de tous ceux qu’ils ont décidé de désigner comme ennemis, juste parce que ces personnes ont travaillé, ont trimé, ont fourni et fournissent des efforts considérables pour passer d’un palier à l’autre, pour construire des choses, pour donner un sens à leur vie, pour bâtir et laisser des traces derrière eux. Cela va du chef de gouvernement, Aziz Akhannouch, qui a travaillé pour faire sa fortune personnelle et devenir chef de gouvernement, aux joueurs du Onze national, à telle femme qui mène de main de maître ses affaires, à tel jeune qui s’illustre parce qu’il a du talent ou telle autre jeune femme que l’on accuse d’être pistonnée… Haine, jalousie, injures…
On ouvre les vannes et on essaie de le salir, sauf, qu’en pleine crise terrible, ce chef de gouvernement qui est loin d’être parfait a réussi des faits d’armes qu’il faut lui reconnaître parce que ce n’est pas évident d’être chef de gouvernement en pleine Covid-19, avec une crise économique et financière dévastatrice, avec l’éclatement d’une guerre en Europe qui a fait éclater tous les paradigmes socio-économiques, avec toute cette hostilité qui vise le Maroc aujourd’hui.
Et pourtant, le Maroc tient bien, haut et fort et réussit même des exploits.
Pire. Même en pleine euphorie, les défaitistes, tous ceux qui haïssent la réussite, trouvent à redire : «les joueurs de l’équipe nationale ne sont pas marocains!» Quelle débilité profonde ! «Hakim Ziyech a un jet privé». Tant mieux. Il le mérite. Tel autre joueur «est salafiste», livrant ainsi un gamin à la vindicte publique dans le pays où il vit et où il joue. «Regragui se la pète, il se prend pour Guardiola». Pour moi, il est mieux que tous les Guardiola du monde, parce qu’il a réussi l’impossible et il a montré qu’un Marocain peut rivaliser sur le titre du meilleur entraîneur du monde.
Et les propos nauséabonds de fleurir sur la Toile, entre réseaux sociaux, qui ont donné à tous les médiocres et à tous les cons voix au chapitre pour débiter leurs âneries avec fierté.
Pourtant, dans toute cette braderie de conneries, je n’ai pas pu lire un seul début de commencement d’un propos réfléchi. Rien, Oualou. Que dalle. Néant. Des insultes. Des attaques gratuites. Des jugements de valeur. Des prêches salafistes. De la vengeance par clavier interposé. Et un trop-plein de haine. C’est si profond que cette inclination à haïr viscéralement tous ceux qui accomplissent des choses, que cela en devient effarant. Et le pire, c’est que c’est contagieux. Cela passe d’une personne à l’autre comme un virus. Un microbe.
On le sait, depuis que le monde est monde, il y a toujours eu ceux qui se mouillent et ceux qui regardent la pluie tomber. Il y a toujours eu ceux qui cherchent des excuses et qui n’entrent jamais dans l’histoire. Tout comme ceux qui hésitent, qui se victimisent, qui cherchent des boucs émissaires ou des persécuteurs désignés. Ceux-ci vont dans ce monde à la parallèle de l’histoire sans jamais la rencontrer ni en faire partie. Le monde se fait et avance sans eux. Et c’est tant mieux. Imaginez des personnes aussi remplies de haine et de jalousie pathologique, aussi foncièrement enclines à la destruction, s’elles pouvaient toucher tous ceux qu’elles désignent comme ennemis et comme sources et causes de leur misère mentale d’abord, soyez-en sûrs, ils les lyncheraient, ils les lamineraient à coup de dents tellement la rage est viscérale. Toutes ces personnes qui végètent dans la haine de ceux qui travaillent, qui se décarcassent, qui vont au charbon, qui ne reculent devant aucun obstacle et l’affrontent vaillamment, toutes ces personnes intrinsèquement mauvaises, ne savent pas et ne sauront jamais que dans une large mesure, ce que l’on pourrait nommer le bonheur dans nos vies dépend fondamentalement de la qualité de nos pensées et de nos sentiments, sans oublier la valeur de nos intentions. Alors, avec un cœur où coule du sang noir, avec des veines obstruées par la bile, il n’y a franchement rien à faire. Il n’y a absolument aucun espoir.
Car, on le sait, la jalousie est une grave pathologie et souvent elle est incurable.

Par Dr Imane Kendili
Psychiatre et auteure

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