Chroniques

Kiev et Gaza, le double standard européen

Mustapha Tossa Journaliste éditorialiste

Dans la mémoire actuelle européenne, Kiev et Gaza sont en train de creuser le fossé d’une énorme injustice. Un double standard de perception de la valeur de la vie humaine.

Passée l’émotion légitime face aux horreurs commises pas le Hamas dans les colonies israéliennes proches de Gaza du 7 octobre, les Européens se sont trouvés dans une impasse face à ce qui se passe après, depuis le début du bombardement massif de l’armée israélienne contre les civils de la bande de Gaza et cette politique de la punition collective israélienne à l’égard de ses habitants.

Pour souligner cette contradiction de l’approche européenne, certains petits malins dans les réseaux sociaux se sont amusés à ressortir des archives des déclarations et des postures de certains leaders européens, s’indignant avec les plus fortes expressions de la politique de sanctions et de punitions menée par la machine de guerre russe contre les civils ukrainiens. Des concepts comme crimes de guerre ou crimes contre l’humanité ou violations flagrantes contre le droit international étaient régulièrement évoqués pour cibler cette insoutenable politique russe.
Lorsque l’armée israélienne a pris la décision de punir et de s’attaquer de manière aveugle aux civils palestiniens de Gaza et malgré la similitude apparente des deux situations ukrainienne et palestinienne, la politique de l’autruche était de rigueur au niveau de l’expression politique européenne. Et quand les faiseurs d’opinions, dans ces pays, étaient acculés à expliquer cette approche contradictoire et à donner une justification à cette politique de la terre brûlée prônée par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, ils affirment, sans le moindre frémissement dans la voix, que tous les civils de Gaza sont identifiés aux militants du Hamas.

Dans la mémoire actuelle européenne, Kiev et Gaza sont en train de creuser le fossé d’une énorme injustice. Un double standard de perception de la valeur de la vie humaine. Ce débat est si prenant que le président Emmanuel Macron s’est cru obligé d’affirmer en présence du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas que parce que «la France comme vous le savez porte une vision humaniste… une vie palestinienne vaut une vie française qui vaut une vie israélienne».

Pour de nombreux propagandistes qui écument actuellement les médias, cette vérité-là n’allait pas de soi. Les terribles images de civils palestiniens encerclés, sous un tapis de bombes ne sont en réalité pour eux qu’une riposte légitime de l’armée israélienne.
Peu importe le nombre de victimes civiles, l’essentiel est que le Premier ministre Nethanyhou puisse assouvir sa vengeance et exécuter sa menace d’éradiquer le Hamas, menace pour laquelle il a réussi à avoir le feu vert européen et américain. Européen avec un bémol très discret, celui de devoir respecter le droit humanitaire international.

Face à la crise de Gaza, l’Union européenne est bouleversée dans sa perception de la protection de civils et de ses valeurs à respecter les règles de la guerre. C’est au nom de cette morale européenne qu’elle a réussi à isoler le régime de Vladimir Poutine sur la scène mondiale, comme un régime qui n’a aucun respect pour la vie humaine, qui viole allègrement les bases du droit international humanitaire.

Pour les pays européens, il est à craindre que ce double standard assumé à l’égard des deux crises ukrainienne et palestinienne ne puisse avoir de conséquences politiques sur la gestion de ces conflits. Déjà ce positionnement des Etats européens, au delà de leurs propres contradictions internes sur le sujet entre la commission et le conseil, entre Ursula Van der Layen et certains dirigeants européens, agit déjà comme un carburant pour alimenter les protestations de plus en plus gigantesques dans les villes européennes pour exiger la fin des bombardements, une trêve humanitaire, voire un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.

Cette double approche ne peut tenir dans le temps sur Gaza sans affaiblir l’Europe sur Kiev. Et c’est pour ces raisons que l’intérêt européen du moment est de parvenir dans l’immédiat à imposer une trêve humanitaire. Lors du dernier sommet européen de Bruxelles qui fut consacré à cette crise israélo-palestinienne et à l’Ukraine, la difficulté était manifeste de parvenir à un consensus. Les mots trêve, encore moins un cessez-le-feu, ne furent aucunement prononcés. Le plafond européen fut de solliciter des couloirs humanitaires au gré des maîtres de cette guerre.
Entre Kiev et Gaza, l’Europe se trouve dans une impasse politique. Ne rien faire c’est assumer un regard discriminatoire qui nourrit tous les défis qui se dressent aujourd’hui pour contester ce fameux magistère moral dont se prévalent certaines capitales européennes dans le monde.

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