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La diplomatie maritime : Une dissuasive machine de guerre

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Le Maroc se distingue à l’Organisation maritime internationale

Selon John D. Kasarda, éminent universitaire américain et consultant en affaires aéroportuaires, «les aéroports dessineront le développement urbain et l’implantation des entreprises au XXIe siècle comme l’ont fait les autoroutes au XXe, les chemins de fer au XIXe et les ports au XVIIIe».

Par Yassir Lahrach (*)

Une citation qui en dit long, bien qu’elle mérite d’être prestement réaffinée et réadaptée aux nouveaux enjeux géopolitiques et géoéconomiques du monde contemporain, suite, particulièrement, à sa confrontation à de multiples défis sur les mers et les océans, où les ports ressurgissent énergiquement, en tant que principaux pôles de réseaux stratégiques à l’international. Un vécu qui a mis à nu les réelles limites liées aux délimitations et aux contrôles, parfois non évidents, des frontières maritimes entre certains pays, incitant les pays agiles à réfléchir, à court et moyen termes, sur les agencements les plus appropriés qui permettraient de cuirasser, en toute sûreté, les différents flux maritimes, en vue d’assurer, efficacement et dans les meilleures conditions, les transports des personnes et des marchandises (ressources minières, approvisionnement en denrées alimentaires de première nécessité, etc.), mais aussi l’exploitation de la haute mer, avec ses différents enjeux. Préséance du Maroc pour la construction d’une véritable diplomatie maritime «Qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même», disait au XVIème siècle, Walter Raleigh, officier et explorateur anglais.

En effet, les Etats qui disposent de voies maritimes ont le privilège de conquérir le monde et de s’imposer en tant que puissance industrielle, commerciale et militaire, surtout que l’organisation spatiale des réseaux maritimes connaît une remarquable évolution, grâce aux progrès technologiques conjugués à une redistribution des flux d’échanges à l’international, reposant sur des routes maritimes et des ports (noeuds ou pôles des réseaux). Ayant réalisé de titanesques progrès au niveau des équipements de base, tels que les ports et les aéroports, ainsi qu’au niveau du renforcement du réseau routier et des transports ferroviaires et urbains, le Royaume du Maroc, grâce à la vision clairvoyante de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’Assiste, a réussi à développer ses stratégies dans différents secteurs d’activité.

Aussi et en matière militaire, le Maroc ne cesse de multiplier ses investissements dans le déploiement d’une réelle diplomatie navale, un concept qui remonte à 1971, après avoir été évoqué par l’érudit diplomate anglais Sir James Cable, dans son livre intitulé «Gunboat Diplomacy» ou encore par Edward Luttwak en 1974, à travers sa publication «The Political Uses of Sea Power», où apparaissent déjà les concepts de suasion, combinaison de dissuasion et de persuasion. In fine, la militarisation des espaces maritimes affirme la puissance des Etats.

En outre et à l’occasion des travaux de la 32ème assemblée de l’Organisation maritime internationale (OIM), tenue récemment à Londres du 6 au 15 décembre 2021, le Maroc a été réélu pour faire partie du Conseil de l’OIM, pour la période 2022-2023.
Ce qui prouve que le Royaume est pleinement engagé dans les milieux marins, occupant ainsi une place de plus en plus privilégiée au sein de la communauté maritime internationale et par ricochet au sein de cette instance onusienne, ce qui lui confère, une fois de plus, un avantage diplomatique substantiel.

Le Maroc, précurseur de l’essor d’une foudroyante Alliance navale

En vue d’affermir les liens par des échanges, des exercices ou des opérations avec les marines de partenaires privilégiés occidentaux (Etats-Unis d’Amérique, Angleterre, Israël, Canada, etc.), africains et arabes, la diplomatie navale s’avère être la voie royale pour atteindre de tels objectifs.
D’ailleurs, ces derniers mois, le Maroc ne cesse de consolider, majestueusement, ses partenariats, dans le cadre de la signature d’une batterie d’accords historiques. Ce qui permet, géo-stratégiquement, à notre pays de maintenir, voire d’étendre son leadership régional et africain à d’autres contrées, une approche qui tiendrait compte de l’ingénieuse citation du contre-amiral Pierre Célérier qui dit que la «géostratégie est l’étude des rapports entre les problèmes stratégiques et les facteurs géographiques».

Marines Royale et Marchande, comme inaltérables leviers diplomatiques

Aujourd’hui, 90% du trafic international de marchandises est réalisé par voie maritime, à la suite de la révolution des transports par mer, caractérisée par la conteneurisation et la spécialisation des navires, avec des flux maritimes qui ont quadruplé depuis les quatre dernières décennies.
Face à une rude compétition pour le contrôle des espaces maritimes, à des contraintes de préservation de l’environnement et des stocks halieutiques, à la lutte contre les différentes formes de criminalité (trafics d’êtres humains et de drogue, terrorisme, narcotrafic, etc.), ainsi qu’aux crises multiples, les puissances se livrent, fréquemment, à des visites de courtoisie, effectuées par des navires de guerre dans des ports étrangers, tout en veillant à développer, continuellement, leurs industries navales. Toutefois, les pays les plus avancés dans ce secteur accordent une forte importance à la formation du marin qui reste au cœur de la gestion des ressources humaines des Marines Royale et Marchande.
C’est ainsi que notre cher pays, grâce à la vision sage et éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Chef Suprême et Chef d’Etat-major général des FAR, que Dieu le protège, a réussi à construire une puissante Marine Royale, qui veille, scrupuleusement, à la sécurisation et à la surveillance des frontières maritimes du Royaume.
Il n’en demeure pas moins non plus que la Marine Marchande accomplit également un travail remarquable, à travers, notamment, son Institut supérieur d’études maritimes, spécialisé en matière de transport maritime, des ports, de la logistique, et des activités connexes, lequel a largement contribué à l’inscription du Royaume chérifien sur la liste blanche de l’OMI et à la reconnaissance des brevets marocains par la Commission européenne. Ainsi, le Maroc reste un leader continental et régional incontesté dans les milieux marins mais qui pourrait briller davantage en :

  • en tirant pleinement profit à travers la promotion d’une véritable diplomatie maritime ;
  • réunissant tous ses pays amis pour s’entendre sur l’édification d’une stratégie commune qui constituerait l’ossature d’une véritable force navale unique, allant même concurrencer l’ex-Euromarfor (Force maritime européenne), l’OTAN ou encore d’autres coalitions régionales et continentales ;
  • initiant un chantier d’harmonisation des politiques étrangères et de défense des pays membres de l’Union africaine en vue de faire progresser, avec pugnacité et dynamisme, le continent et de lui permettre de jouir d’une réelle autonomie stratégique et souveraineté maritime ;
  • instituant un Centre africain de formation dans les domaines maritimes.

Docteur en droit/ Expert en intelligence économique Analyste en stratégie internationale

 

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