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La France manœuvre vers un «Troisième pôle»

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Manœuvre stratégique 
L’adhésion ferme de Macron à la notion de la souveraineté européenne entre en conflit avec une déclaration d’une source diplomatique française qui confirme Paris comme un allié fiable de Washington..

Le récent voyage du président français Emmanuel Macron en Chine a suscité une controverse considérable. Le point central de l’agitation portait sur ses remarques concernant les liens de l’Europe avec la Chine et les États-Unis.
Lors d’un discours prononcé à Pékin aux côtés de divers chefs d’entreprise et dirigeants de grandes entreprises, il a souligné l’importance de renforcer la collaboration avec Pékin.
Il a également pris le temps de redéfinir la relation avec Washington, en précisant qu’une alliance avec les États-Unis n’implique pas d’être un «vassal» ou «qu’on n’a plus le droit de penser tout seul». Il a poursuivi en disant que «la France est en faveur du statu quo à Taïwan» et «soutient la politique d’une seule Chine et la recherche d’un règlement pacifique de la situation».
L’adhésion ferme de Macron à la notion de la souveraineté européenne entre en conflit avec une déclaration d’une source diplomatique française qui confirme Paris comme un allié fiable de Washington. Néanmoins, l’interprétation américaine du concept d’un « allié », en particulier en ce qui concerne Taïwan, ne correspond pas à cette idée.
Même Washington traite ses alliés les plus proches de manière obéissante, en s’appuyant sur ses propres intérêts plutôt qu’en adhérant au lien qui unit les alliés. Le Conseil de coopération du Golfe et les alliés du Moyen-Orient des États-Unis sont les exemples les plus proches qui illustrent l’approche américaine de la formule de l’allié stratégique.
Macron semble avoir compris ce concept et gère désormais l’allié américain en utilisant la même perspective, se contentant de répéter des discours sans les mettre en pratique en actions concrètes ou en prises de position sur le terrain. La position du président français sur Taïwan s’éloigne de l’alliance que les États-Unis désirent.
Washington souhaite que ses alliés adoptent les mêmes positions, en particulier dans des cas spécifiques comme Taïwan. Les États-Unis font face à une crise compliquée sur la manière de gérer l’influence croissante de la Chine sur l’île.
Les remarques du président Emmanuel Macron marquent un changement significatif dans sa position et une victoire pour la diplomatie économique et d’investissement de la Chine. Macron, qui plaidait auparavant pour une attitude résolue envers la Chine, appelle maintenant à une collaboration plus étroite avec la Chine.
Il souligne que l’Europe ne devrait pas intervenir dans des crises qui ne la concernent pas, en particulier en ce qui concerne la crise de Taïwan entre la Chine et les États-Unis. Il exhorte à l’unité européenne et à la poursuite des intérêts européens face au conflit sino-américain.
Il a même emmené avec lui la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors de sa visite en Chine.
Les remarques de Macron ont suscité l’indignation et l’inquiétude non seulement aux États-Unis, mais aussi en Europe, où certaines capitales européennes redoutent que les États-Unis ne les abandonnent dans la crise ukrainienne, alors que tout le monde reconnaît que l’Europe est incapable de se défendre contre toute menace militaire russe qui dépasse l’Ukraine.
Cela explique pourquoi certains politiciens européens qualifient les déclarations de Macron de « catastrophe » pour la politique étrangère européenne. Certains prétendent que l’Europe n’attache pas la même importance à Taïwan que les États-Unis, tandis que d’autres affirment que l’Ukraine n’est pas aussi cruciale pour Washington que pour les Européens.
Par conséquent, Macron a dû être prudent et éviter de tomber dans le piège des comparaisons implicites, notamment avec le conflit en cours en Ukraine et l’absence de résolution politique en vue.
Les remarques de Macron ont été interprétées par certains comme l’aspiration de la France à diriger l’UE sous la bannière de « l’autonomie stratégique » et à plaider pour que l’Europe soit un « troisième pôle » indépendant de Washington et de Pékin.
Cela correspond à la position allemande qui est apparue lors du voyage du chancelier allemand Olaf Scholz à Pékin, où il a également accompagné les dirigeants des grandes entreprises allemandes et a prôné le « l’Allemagne d’abord ».
Macron essaie également de riposter à la position américaine sur l’alliance AUKUS avec la Grande-Bretagne et l’Australie, ainsi qu’au danger de dommages causés à la France en raison de l’annulation de l’accord de sous-marins français avec l’Australie, que Paris a qualifié de «coup dans le dos » d’une valeur de 40 milliards de dollars, ainsi que des ventes coûteuses de gaz américain à ses alliés européens.
La position de Macron ne signifie pas que la France coupe les liens avec les États-Unis, mais plutôt une manœuvre stratégique. La France se voit dans une position forte dans la région de l’océan Indien et du Pacifique, où elle est le seul pays européen à avoir une présence militaire, lui permettant ainsi de soutenir les États-Unis dans leur lutte de pouvoir avec la Chine. Cependant, la France ne peut pas négliger la Chine en tant que partenaire commercial, occupant la cinquième place sur la liste des partenaires commerciaux de la France avec un volume total de commerce annuel d’environ 88 milliards de dollars. Ainsi, la France cherche à équilibrer ces facteurs à la recherche d’un avenir de «troisième pôle», malgré une forte opposition au sein de l’Europe.
Beaucoup voient cela comme une erreur qui endommagerait les relations transatlantiques et minerait les progrès réalisés depuis l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, après une période de relations Europe-Amérique tendues sous son prédécesseur Donald Trump.

Par Salem AlKetbi

Politologue émirati et ancien candidat au Conseil national fédéral

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