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La situation humanitaire catastrophique à Gaza: Un génocide en cours ?

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Prudence donc sur le vocabulaire, mais détermination sur le fond : la communauté internationale doit agir de toute urgence pour imposer un cessez-le-feu durable et protéger les civils. L’enjeu n’est pas de gagner un débat sémantique, mais de sauver des vies.

La Bande de Gaza, sous blocus israélien depuis 2007, fait face depuis octobre 2023 à une escalade dramatique de la violence. En réponse à des tirs de roquettes du Hamas sur Israël, l’armée israélienne a lancé une opération militaire d’envergure sur ce territoire palestinien densément peuplé de 2 millions d’habitants. Plus de 12 000 Palestiniens auraient été tués depuis le début des hostilités le 7 octobre, selon l’ONU. Face à l’ampleur des destructions et au lourd bilan civil, certains observateurs n’hésitent pas à parler de génocide. Mais qu’en est-il vraiment selon le droit international et la définition précise du génocide ? Cette qualification est-elle opportune et pragmatique pour faire cesser les exactions ?

Définition juridique étroite du génocide 
La Convention sur le génocide de 1948 définit le génocide comme « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Cette définition, reprise dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), est restrictive, car elle requiert la preuve de l’intention génocidaire. Or, prouver cette intention est extrêmement difficile dans la pratique. De plus, cette définition n’inclut pas le meurtre de masse pour des raisons politiques ou socio-économiques.
La jurisprudence internationale a précisé certains critères. Notamment, la Cour internationale de justice a estimé en 2007 que l’intention génocidaire pouvait se déduire de preuves «convaincantes» de actes systématiques visant à détruire physiquement le groupe. Mais l’identification d’une politique génocidaire reste délicate.

Une définition plus large en sciences sociales 
Les chercheurs en sciences sociales retiennent généralement une acception plus large du génocide, englobant la destruction massive de populations pour divers motifs. Ils insistent aussi sur le « génocide par attrition », processus lent d’éradication d’un groupe par la privation des conditions de vie.
Cette définition extensive permet de reconnaître un plus grand nombre d’atrocités de masse comme génocides, même en l’absence de preuves irréfutables d’une intention génocidaire. Elle met l’accent sur les conséquences concrètes pour les victimes plutôt que sur les mobiles des auteurs.
Le concept de «colonialisme de peuplement» est également mobilisé pour analyser la situation à Gaza. Ce processus historique d’éviction des populations autochtones au profit de colons est perçu par certains comme une forme de génocide lent et structurel.

Atteintes graves aux Palestiniens de Gaza
Personne ne conteste la gravité de la situation humanitaire à Gaza. Le territoire souffre de pénuries chroniques aggravées par les destructions des dernières semaines. L’approvisionnement en eau potable, électricité, médicaments est critique. Les hôpitaux sont débordés. Des familles entières ont été décimées sous les bombardements. L’ONU parle de violations possibles du droit humanitaire international et de possibles « crimes de guerre ».
Mais la qualification juridique de génocide fait débat. Certains juristes estiment que les éléments sont réunis : les Palestiniens constituent un groupe national protégé ; les bombardements massifs peuvent être qualifiés de meurtres de membres du groupe ; l’intention génocidaire serait établie par certains propos de responsables israéliens.
Mais d’autres spécialistes jugent que le seuil juridique du génocide n’est pas atteint. Ils soulignent qu’Israël affirme viser le Hamas, et non le peuple palestinien. Ses opérations, si brutales soient-elles, ne prouveraient pas une volonté d’exterminer tous les Palestiniens. La qualification de crimes contre l’humanité serait plus appropriée selon eux.

Risques politiques de la qualification de génocide
Brandir prématurément l’accusation de génocide comporte des risques. Sur le plan juridique, elle pourrait affaiblir la crédibilité de futures poursuites, si les preuves s’avèrent finalement insuffisantes.
Politiquement, elle pourrait braquer Israël et le pousser au déni, alors que la priorité est de faire cesser les hostilités. Le mot génocide demeure associé à la Shoah dans l’imaginaire collectif israélien. L’employer à la légère pour décrire Gaza risque d’être contre-productif.
Prudence donc sur le vocabulaire, mais détermination sur le fond : la communauté internationale doit agir de toute urgence pour imposer un cessez-le-feu durable et protéger les civils. L’enjeu n’est pas de gagner un débat sémantique, mais de sauver des vies.

Le rôle des puissances occidentales 
Au-delà de la qualification des violences, le soutien politique et militaire des puissances occidentales à Israël pose question. Les États-Unis ont envoyé des navires dans la région en soutien symbolique à Israël…
Pour certains, cette complicité ferait des pays occidentaux des complices d’un possible génocide. Elle témoignerait de la perpétuation d’un «impérialisme occidental» voué à dominer le monde par la force depuis des siècles.
Cette analyse radicale ne fait toutefois pas l’unanimité. D’autres observateurs reconnaissent la part de responsabilité occidentale, mais refusent de parler de génocide. Ils critiquent plutôt une diplomatie occidentale trop timorée et incohérente face à Israël.

Le besoin urgent d’une solution politique
Au-delà des querelles sémantiques, un constat s’impose : cette nouvelle tragédie à Gaza prouve l’urgence de progresser vers une solution politique pérenne au conflit israélo-palestinien. La récurrence des explosions de violence meurtrières démontre l’échec persistant de la communauté internationale à imposer une paix juste dans la région.
Sans règlement politique global, fondé sur la fin de l’occupation et la création d’un État palestinien viable, la bande de Gaza restera un baril de poudre. Les Palestiniens de Gaza continueront de vivre dans ce territoire que beaucoup décrivent comme une « prison à ciel ouvert », en raison du blocus persistant qui étouffe son économie et restreint drastiquement les mouvements de ses habitants. Et le risque de nouvelles tragédies humaines demeurera entier.

L’enjeu prioritaire est donc de traiter les causes profondes de ce conflit qui dure depuis des décennies, au-delà de ses manifestations ponctuelles aussi meurtrières soient-elles. Mettre un terme à l’occupation et au blocus de Gaza, permettre l’émergence d’un État palestinien, reste le seul moyen d’empêcher définitivement le retour cyclique de la violence et des souffrances infligées aux civils.

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