L’Algérie est décidément une plaie. Avec un Etat comme celui-ci, on se passerait de voisin. Le hic avec la géographie, c’est qu’il n’est pas facile de déménager. Sans quoi, ce n’est pas l’envie qui manquerait tant la mitoyenneté avec cet Etat est parfois déplaisante. L’Etat n’est pas ici à confondre avec le peuple. La chance des Marocains, c’est d’être avantageusement enlacés, au Nord et à l’Ouest, par la Méditerrané et l’Atlantique, situation géographique féconde en ouverture d’esprit et de cœur. L’ambiance en serait autrement écœurante avec le seul voisinage du pays de Boutef.
Bien que rarement injuste, j’ai souvent trouvé mon ami Hachimi Idrissi cinglant avec les Algériens. Mais avec cette affaire de visa de Jamel Debbouze, j’en viens à me demander si la rigidité obtuse de ceux-ci ne lui donne pas raison. Il faut être siphonné du ciboulot et ne pas avoir peur du ridicule pour refuser à un artiste de présenter un film qui, d’autant plus et qu’on le veuille ou pas, dépasse le cadre cinématographique, pour rentrer dans celui de la puissante symbolique de la fraternité. Un film qui charrie des cavités historiques jusqu’au-à inexplorées et qui porte en lui une part de réconciliation nécessaire en ces temps troubles. Les Algériens n’ont pas trouvé mieux que d’avoir l’indélicatesse nécessaire pour gâcher le happy end.
Le film a beau être réalisé par un Algérien royalement reçu (c’est le cas de le dire) au Maroc. Rien n’y fait. Filmée en partie au Maroc, financée en grande partie par le Maroc, et sans être offensante pour ses compères, l’œuvre est fortement portée par Jamel, le plus bancable des Franco-marocains, c’en est trop pour Boutef et consorts. Si ces derniers avaient tellement de ce nez, au sens flair et dignité mythique, pourquoi, avec tous les milliards de dollars que dégage la manne pétrolière, ne l’ont-ils pas fait? Tout le monde sait que lorsqu’on n’a pas de pétrole, on est sommé d’avoir des idées… du talent. L’Etat algérien a donc un odorat très développé pour flairer l’arôme de l’argent et de son origine. Ils ont détecté dans le film un parfum de financement royal. Et tout ce qui est royalement marocain les suffoque et les indispose. Cet Etat jeune dirigé par des vieux inamovibles développe de l’urticaire dès qu’il s’agit de ce vieux pays dirigé par des jeunes. Et quand la dictature militaire raille le choix monarchique des Marocains, c’est un peu l’asile psychiatrique qui raille un dispensaire de campagne.
En vérité, ce pays, pour pouvoir respirer, a un besoin vital d’adversaire, quitte à ce qu’il s’agisse d’un saltimbanque. C’est une nation atteinte de toutes les pathologies arabes dont la moindre n’est pas celle de se déculpabiliser en fabriquant des ennemis, avec un goût prononcé pour la France et le Maroc. San compter l’ego hypertrophié. Le narcissisme historique poussé jusqu’à l’incandescence. L’enflure et l’enivrement avec la logomachie tiers-mondiste et l’imbuvable tisane nationaliste. C’est ce qui fait de l’Algérie le vrai obstacle pour un Maghreb arabe pacifique et prospère.