Au mois d’août, l’année dernière, sept adolescents sont morts dans l’incendie d’un centre équestre de Lescheraines, en Savoie : on a, en plus, déploré deux victimes adultes plus une femme grièvement blessée. La société française fut transie de douleur : personne n’a eu l’idée d’accabler le ministre de la Jeunesse et des Sports. Ce fut, plutôt, l’occasion pour la société de débattre sur les leçons à tirer pour l’avenir.
La mort d’un enfant est une souffrance innommable. La mort de huit enfants est une tragédie insoutenable. Elle est, dans le cas du Maroc, aggravée par les circonstances, le timing (la fin du séjour), l’origine des victimes. L’enquête, en cours, devra naturellement établir la chaîne des responsabilités.
Piétinant la présomption d’innocence et sans respect pour le deuil, le procès politique a, en revanche, démarré le lendemain de la tragédie. Il se tient depuis sur les bords d’une fosse sceptique tant s’en dégagent des exhalaisons pestilentielles, un parfum de lynchage et une odeur de sang. Je connais Mohamed El Gahs. C’est mon ami. Je subodore que, au plus profond de lui-même, il y a comme une douleur inénarrable. Il traverse, aujourd’hui, dans son parcours sans faute, une épreuve capable ou de briser un homme ou de le fortifier. Aimé ou détesté, c’est un personnage qui ne laisse pas indifférent.
La fulgurance, dans le paysage politique, de la figure d’El Gahs en fait, dans un certain Maroc de l’incompétence, un candidat idéal pour l’abattoir. Pour le crucifixion. Ses réussites, dans notre pays, suscitent, à ne pas en douter, rivalité, détestation et acrimonie. Son cas peut illustrer le propos qui affirme que la qualité d’un homme, de surcroît politique, se mesure au nombre de ses ennemis.
Rien n’a été offert à El Gahs. Il était et reste une de nos plumes parmi les plus brillantes et affûtées. Son origine populaire en fait un symbole de promotion sociale dans l’ère de Mohammed VI, au point d’être affublé du sobriquet "socialiste de Sa Majesté" comme si c’était infamant. Les suffrages de son mandat de député ont été gagnés dans une des circonscriptions parmi les plus populaires du pays. El Barnoussi est même considérée comme un chaudron social. Ses succès au ministère sont l’expression du volontarisme politique et illustre admirablement la nécessité de concilier actions et convictions. Son ascension éclatante dans le parti exprime un profond désir de changement et de renouveau.
Cela fait beaucoup pour un seul homme. Cela insupporte et c’est de nature à favoriser l’alliage de l’animosité féroce de ses adversaires et la jalousie haineuse de ses amis. L’occasion tragique est donc trop belle.
La meute de chiens est lâchée. La chasse à l’homme est ouverte. C’est le règlement de comptes à Ras-El-Maa. Les mercenaires de la plume s’en donnent à cœur joie, avec propos outranciers et insinuations ignominieuses. Il n’est pas évident que tous les donneurs de leçons d’hygiène aient les fesses propres. Raison de plus pour encourager El Gahs à tenir bon.
Bon courage l’ami.