Chroniques

Label marocanité : Halte au décervelage

Il a été, en partie, déchiqueté par des polémiques éruptives dans le triangle des Bermudes du journalisme casablancais. C’était pourtant bien parti. Le texte qui voulait ouvrir un «nikache» (débat) sur les libertés individuelles et le respect de la vie privée tels qu’ils sont entendus universellement était le bienvenu. Non seulement il s’est fait mitrailler de l’extérieur, mais la liste des signataires va connaître quelques implosions intérieures.
Le débat, même pas engagé, va être vite confisqué par une guerre de lignes éditoriales. Il va donner lieu, toujours dans le triangle des Bermudes, à des échanges qui ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Dans la foulée de la publication de l’Appel, on assistera à de véritables joutes, par éditoriaux interposés, opposant «Al Massae» à TelQuel. Benchemsi, l’enfant des lumières au sens (arabe) propre comme au sens figuré contre Neni, la négation dédoublée au sens (français) propre comme au sens figuré. A cela, il faudra ajouter l’interminable édito du Journal Hebdomadaire où Ali Amar va justifier le retrait de sa signature non pas comme un reniement du texte mais plutôt en le situant dans les contradictions du contexte.
Deux angles d’attaque aussi pernicieux l’un que l’autre sont privilégiés par les adversaires de l’appel. Le premier, c’est qu’au débat sur les libertés individuelles, on va opposer un bric et broc fait des islamistes, les questions sociales et les quasi-préalables droits au logement, à la santé, à l’éducation, à l’emploi… On sort du sujet pour tomber dans le rhétorique compassionnelle. C’est non seulement absurde, mais c’est la meilleure façon de garder les torchons sales tant que les serviettes ne sont pas propres. Imagine-t-on un seul instant, dans un pays comme la France par exemple, les gens refuser de débattre de laïcité tant que le problème du chômage ou la régularisation des sans papiers ne sont pas résolus. Pathétique.
Le second angle d’attaque est celui de suggérer, voire de laisser entendre, que la défense de la liberté individuelle est une incitation à la débauche, sous prétexte que l’appel survient au lendemain de l’affaire de Ksar El Kebir. Là on quitte le débat pour les ébats. On réduit le texte au sexe. Et on invoque Dieu pour justifier l’odieux. Les attaques personnelles deviennent idées et la chronique, peloton d’exécution. Là, c’est le sens qui se délite et l’embrouillamini devient cloaque. 
Notre société est gravement atteinte, docteur! Elle souffre de la complotite, maladie sans vaccin. On voit des complots partout. Elle est le symptôme de nos contradictions, inscrites dans notre ADN. Elle surgit, comme un furoncle éruptif dès qu’il s’agit de politique ou de sexualité. Il nous faut un remède de cheval en lieu et place de ces arguments de confort comme il y a des médicaments de confort.
Certains journaux, «Al Massae» en tête, nous jouent le coup de ces médecins de souk. Faconde verbale et médecine à base de «Aachoub». En faisant, ils font une prospère affaire de…décervelage. 

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