Chroniques

Label marocanité : Identités perverses

Le foot lui a joué un mauvais tour. Hasard du calendrier, la France jouait mercredi soir, difficilement, il faut le dire face à l’Irlande, son sort pour la qualification à la Coupe du monde 2010. Presque au même moment s’achevait, à Khartoum, Suisse footballistique pour un soir, le match où se déterminait le sort de l’Algérie et de l’Egypte dans un duel tendu. Et puis patatras. Au moment même où la France se démenait devant des Irlandais teigneux, la victoire algérienne va faire débouler dans les rues des grandes villes françaises des flots de supporteurs drapés d’étendards aux couleurs algériennes. C’est Marine Le Pen et son père, Eric Zemmour et Ivan Rioufol qui devaient se frétiller de plaisir tant cela certifie leurs thèses. Ensuite, il y a eu la victoire des Français au goût amer parce qu’entachée de tricherie avec une seconde «main de Dieu» attribuée cette fois-ci à Thierry Henry. Enfin et en prime, de sérieux incidents vont avoir lieu dont une centaine de voitures brûlées et quelques pillages de magasins dans la plus belle avenue du monde. Bien entendu, les vandales sont pour l’essentiel des jeunes des cités. Hooliganisme et casse à l’occasion d’une victoire qui se joue au Soudan, qu’est-ce que cela aurait été en cas de défaite ? Cette ostentation patriotique et identitaire va laisser des traces indélébiles dans l’imaginaire français et ne manquera pas d’influer, pour mieux le corser, sur le débat identitaire.
La communauté française est indivisible dans le texte mais elle est aujourd’hui balakanisée, tribalisée et communautarisée dans l’esprit. Les supporters algériens viennent de verser abondamment de l’eau dans le moulin des rivaux des thèses intégrationnistes. Je vois donc d’ici les gémissements nourriciers des controverses futures à commencer par «pauvre France». «Elle n’est plus ce qu’elle est». «Tout fout le camp». «Elle est en train de perdre sa personnalité, sa culture et son âme». Les accusateurs outrés seront légion contre toutes ces hordes basanées qui ne savent même pas savourer une victoire sans que cela passe par la violence et l’étalage des tripes patriotiques d’un pays d’origine où nombre d’entre eux n’a jamais vécu.
Il y a un scénario plus cauchemardesque. Imaginons la situation, dans sept mois, d’un quart de finale opposant la France à l’Algérie en Afrique du Sud. Cela pourra réveiller les indigestions historiques et nourrir toutes les perversités identitaires. Bon courage, Monsieur Besson !

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