Chroniques

Label marocanité : La chaussure du désespoir

On la voit partout. Dans les caricatures, dans les manifestations comme celle de Rabat dimanche dernier, dans les cartes de vœux, dans les forums sur Internet. Le geste du journaliste qui, grâce à ses chaussures, a fait baisser la tête du président de la première puissance mondiale est célébré comme un exploit d’héroïsme et de courage. Ce geste porte en lui les germes du mythe de David et Goliath. La chaussure, c’est le lance-pierre de David. Elle est l’arme du faible contre le puissant. Et si, dans la mythologie, David en vient à bout de Goliath grâce à son arme anodine, la chaussure, loin d’anéantir l’adversité, traduit l’expression d’une revanche dérisoire. Elle est tout au plus l’expression d’un mépris.
Et pour cause. De son usage quotidien et son contact avec la terre, la chaussure est, dans l’environnement arabo-musulman, porteuse de souillures. Elle est doit être exclue, de ce fait, de toute espace sacralisé ou propre, salon soit-il ou mosquée. De temps en temps, elle change d’usage et devient un instrument de punition. Quel est l’enfant arabe qui n’a pas esquivé la chaussure lancée, tel un missile, par un père colérique? Ce geste «très éducatif», nous autres Arabes, nous le connaissons fort bien. En en faisant usage avec Bush, il devient l’expression de notre impuissance politique et militaire. Et s’il comble les masses arabes, c’est grâce au primat de l’émotion qui semble caractériser leur identité. C’est réconfortant. C’est virtuel et irréel. Mais cela permet d’adoucir la portée du désastre que nous vivons. Il n’y a qu’à voir Gaza. Plus que les morts, ce qui s’y passe porte, avant tout, une charge de mépris absolu. Bien réel, pour l’occasion.
Car il y a une confusion qui est imprudemment commise entre la puissance de l’image et l’impuissance du geste. Si l’image est forte. Le geste reste désespéré. Il l’est d’autant qu’il aboutit à faire baisser la tête d’un président qui a déjà perdu les élections, ses illusions de puissance et de victoire, voire sa culotte. Piètre victoire.
Que cette chaussure, par ailleurs, soit lancée par un journaliste est une circonstance aggravante. Le recours à ses chaussures renseigne, en réalité, sur l’impuissance de sa plume. On prétend, par-ci par-là, que la force d’une plume peut dépasser celle du bruit des canons. Il n’en est décidément plus rien lorsqu’il s’agit des plumes arabes. Elles sont à bout de souffle, larmoyantes, gémissantes, souvent acariâtres pour finir inaudibles.

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