Je lui ai consacré un livre. Je me souviens des quolibets, rictus et pics que je recevais, particulièrement de mes amis de gauche, qui voyaient dans cette corvée un intérêt malsain. Or, derrière la violence urbaine, il y avait, et il y a toujours, de puissants ressorts qu’on ne pourrait évacuer pour n’entrevoir que la délinquance et les pathologies adolescentes. La violence urbaine posait, et pose toujours, la question urbaine, les questions d’identité, la mixité sociale, les questions d’immigration, le racisme, les affres de la crise économique, l’échec du système scolaire dans certains territoires, le rapport à la loi, le respect des institutions, la déflagration de la cellule familiale…bref, il s’agit bien d’un phénomène global dont l’incendie de voiture n’est qu’un des symptômes, fascinant et intriguant, certes. Huit ans après l’échec de Jospin sur, entre autres, le thème de la sécurité, personne ne peut nier la pantalonnade, sur la même thématique du couple Sarkozy-Hortefeux. Il n’ya donc pas que la faillite de la «République irréprochable». La France est confrontée depuis trois décennies à ces phénomènes de violence. Sarkozy s’était engagé à y mettre fin «à coup de kärcher». Qu’elle ne soit pas endiguée, cela ne surprend que les nigauds et ceux qui succombent à la magie du verbe aux biceps siliconés. Or la situation s’est aggravée. Aujourd’hui, on ne se contente plus de brûler les voitures. On tire, à balle réelle sur les forces de l’ordre dans l’Isère. Aujourd’hui, on peut assiéger une gendarmerie dans le Loir-et-Cher. Aujourd’hui, sur la route de ses vacances et à l’orée d’une brettelle d’autoroute, on peut lyncher sauvagement une personne pour un refus de constat à l’amiable, après un anodin accident de voiture. Cette dernière affaire n’a pas eu l’écho qu’elle mérite. Elle était évacuée par deux choses : Certainement par le tsunami médiatique Woerth-Bettencourt qui l’a camouflée sous le fatras de ses grondements. Mais je ne suis pas loin de soupçonner que la nature même des acteurs qu’elle implique n’y est pas pour rien : des Noirs avec des Arabes, tous issus de ces immigrations récentes. Au diable ! Qu’ils s’entretuent entre eux! Qu’ils se cannibalisent donc. Mon ami Rachid Benzine a répondu, dans le Monde du 8/7/2010 S.V.P, à une saillie apocalyptique de Finkielkraut où il annonce que «l’esprit des cités est en train de dévorer l’esprit de la cité». Tout en apparence donne raison à ce dernier. Avec un seul hic. C’est que l’esprit de la cité a, lui, déserté depuis trente ans les cités là où, pour des générations entières, l’égalité demeure un mot creux, où à la fraternité s’est substituée la fratrie et où la liberté a plus les allures d’un sauvage libéralisme social.