Il serait bien tentant de faire dans la phraséologie type : Le Monde, le journal français, peut être immonde. Cet outrage serait plus révélateur de l’ire de son auteur que calomniateur. Il serait surtout un exercice aisé. Et pourtant, il y a de quoi.
Dans sa livraison du week-end, Le Monde a consacré son édito, c’est-à-dire la partie qui engage le journal, à l’expérience marocaine de l’IER. Le titre va donner d’emblée le ton : Maroc a minima.
On pressent avec un tel titre, lorsqu’on connaît les rapports de ce journal avec le Maroc, la tonalité hurleuse du dénigrement et l’odeur fétide de la détestation. Un concentré de subjectivité malveillante et subtilement venimeuse. Du pur jus d’un Tuquoi centrifugé.
En très peu d’espace, il fallait, pour l’auteur, trouver de la place pour parler de l’espoir suscité par l’expérience marocaine et de la déception excitée par le résultat. Du caractère exceptionnel du procédé dans un monde musulman trouble et de l’amoindrissement de ses aboutissements décevants. De la qualité des hommes qui ont présidé l’instance et des conclusions, aux goûts inachevés, auxquels ils parviennent. Ce travail est incomplet décrète Le Monde. L’IER a manqué d’audace, ne faisant que de timides recommandations. Dans la foulée, le journal geint avec grimaces sur le discours royal du 6 janvier. Il le disqualifie comme «discours de rupture» et le dénonce d’être celui «de la continuité». La rupture? De quelle rupture s’agit-il ? Avec le passé ? Avec quoi? Avec qui ? Le Monde saurait-t-il mieux que le peuple marocain ce qui sied au peuple marocain ? Ce journal si docte feint-il d’ignorer que l’expérience de l’IER est singulière non pas simplement parce qu’elle a eu lieu dans un pays arabe et musulman, mais aussi et surtout parce qu’elle a eu lieu au sein du même système politique, du même régime politique.
Enfin, l’édito déplore que la mise en œuvre des recommandations de l’IER soit confiée à un organisme créé par Hassan II, le Conseil consultatif des droits de l’Homme. Ah, la souillure! Le nom de Hassan II a dans l’édito la fonction subtile de repoussoir. Ce nom est censé, par ricochet, enlever toute crédibilité à la démarche, à l’organisme et surtout à l’avenir de la mise en œuvre. C’est faire fi du fait que le CCDH, première version, fut créé sous le règne de Hassan II. C’est faire fi que le CCDH, seconde version, fut la matrice qui a fécondé l’IER. C’est feindre d’ignorer que le président de l’IER et du CCDH d’aujourd’hui est le même homme : Driss Benzekri. Dans cet édito, c’est Le Monde qui est à minima. Il n’aime pas le régime marocain. On le sait Il est plus indulgent avec les expériences tunisienne, algérienne, syrienne ou qu’en sais-je.
C’est son problème. Mais le journalisme ne se pose pas en termes affectifs. Cela le rend corruptible sur la rigueur journalistique et sur l’intransigeance déontologique. Non seulement, Le Monde n’est plus «cette prière quotidienne» comme le déplorait Pierre Péan empruntant le joli mot à Hegel, mais il s’adonne parfois à la «pensée string». Elle consiste à cacher l’essentiel (ici la volonté de nuire) en feignant de tout montrer.