Chroniques

Label marocanité : «L’ami du Roi» et les intellectuels

Le Maroc est riche de ses chercheurs et pauvre en connaissance. Les années de plomb ont édifié le culte du physique et des coureurs du 1500 mètres. Ils ont, a contrario, favorisé une régression de l’intelligence et une glaciation intellectuelle dont on aura du mal à se dégager. Le réchauffement  de la matière grise demande du temps.
La veille même de l’inauguration de la Bibliothèque nationale qui, espérons-le, contribuera à fertiliser les esprits, j’ai assisté, cinq heures durant, à un échange cérébral profond et de haute tenue. Il juxtaposait, plus qu’il n’opposait, Ali El Himma à un demi-cercle concentrique de la fine fleur de l’intelligentsia marocaine.
La situation n’était pas sans me rappeler un titre wébérien, le Savant et le Politique. Dans un huis clos d’une rare intensité, le débat était exigeant, sans concessions.  La courtoisie de mise, était là, le plus souvent, pour bannir la flagornerie. Le face-à-face, opposant l’un aux autres, sans être inégal était binomial. Il a commencé duel. Il a fini dual. L’acteur qui incarne aujourd’hui l’ébranlement du champ politique marocain avait face à lui ceux-là mêmes dont le métier est d’ausculter l’invention politique. Plus vigilants que soupçonneux, ces derniers prenaient le soin d’éviter de dénoncer pour mieux avertir. Plus que de rompre, ils avaient comme un désir d’alerter, ce qui est somme toute le véritable rôle d’un intellectuel. Chacun dans son rôle, Fouad et ses contradicteurs prenaient, ensemble, le risque d’aller au-delà des certitudes.
A mesure que le débat cheminait, les mots et des verbes s’imposaient d’eux-mêmes dans cette agora. Le verbe «méditer» dans son dialogue avec le terme «militer». La notion de «vertu» dans sa guerre contre les «verrues» politiques qui collent hideusement sur le visage du pays. Les concepts, courage et exemplarité ; qui exigent le refus de la pusillanimité. Peu à peu, entre Fouad et les autres, l’échange, aidé par la sincérité de tous, va se muer d’une relation duale en un rapport fusionnel dans la recherche du bien de ce pays. Oui, un pays qui n’avance pas avec ses élites recule ! Oui, une société sans éclaireurs s’égare dans les pénombres!
Pour l’avoir souvent utilisé, je pense désormais caduque la notion «silence des intellectuels». Elle est non seulement erronée mais  participe d’un usage facile du «prêt à penser» et relève du jargon importé. Le peu d’intellectuels, dont le pays se targue, parlent. Ils parlent même beaucoup. Mais ils sont inaudibles dans le vacarme du populisme. Inécoutables avec la surdité obtuse des ignares. Invisibles dans une société globalement conservatrice.

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