Chroniques

Label marocanité : L’appel du ghetto

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La France est le pays du prêt-à-porter. Elle est en train de devenir le pays du prêt à penser. Avant-hier, dans le 93, département d’où sont parties les violences des banlieues, un policier a grièvement blessé un braqueur qui tentait un hold-up dans un fast-food. Banal fait divers qui fait partie de la délinquance ordinaire. Le policier, lui-même blessé, sera certainement décoré. Le voyou sera sévèrement sanctionné. Et puis basta. Le fait divers ne fera pas diversion.
Ce n’est que le genre d’incident déclencheur des émeutes dans les quartiers. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a une différence entre violence urbaine et délinquance. La confusion sert, certes, à justifier le recours à la vision sécuritaire. Celle-ci, bien que nécessaire, demeure toutefois insuffisante.
La délinquance est un acte individuel même en bande organisée. La violence urbaine est systématiquement collective. Si la délinquance est rationnelle et repose sur une logique de prédateur et de gagneur, la violence urbaine est comme irrationnelle, nihiliste, portée par des loosers qui n’ont fréquemment rien à perdre. Ils n’ont ni projet ni revendications, ni organisation et encore moins un leader. C’est une attitude sans visage, sans voix ni voie. Elle ne raisonne pas. Cela ne signifie pas, pour autant,  qu’elle soit dépourvue de raisons. Si enfin la délinquance à des réponses dans l’arsenal juridique, la violence urbaine ne requiert que des réponses  politiques.
Ces dissemblances sont fondamentales. On le dit depuis des années. Mais c’est pire que de pisser dans un violon. Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Il se trouve que délinquance et violence urbaine prospèrent dans les mêmes endroits. Là où la désespérance sociale est la plus profonde. Ce sont les quartiers d’habitat social. Ce sont les lieux où le chômage plante le mieux ses griffes acérées, en particuliers chez les jeunes. Où l’échec scolaire est patent, notamment chez les enfants issus de l’immigration. Où les classes moyennes ont disparus. Où la culture de la démerde et de la débrouillardise s’est substituée à celle de l’effort et de la sueur. Où à la logique du travail, rare, s’est suppléée celle de la consommation qui s’affiche partout avec insolence… C’est archiconnu. 
Les quartiers de France n’ont désormais plus besoin de sociologie. Ils ont un besoin vital de politique et de sens. La violence urbaine prospère sur le sentiment d’injustice. Principalement. Ce n’est pas une affaire d’argent. C’est une affaire d’égalité, de fraternité et de liberté, c’est-à-dire des valeurs que proclame la République. Et on aura beau considérer que le problème est un peu étrange parce que le fait d’étrangers, on ne fait que procéder par externalisme facile et déresponsabilisant.
Face à la défaillance du pacte social, il ne sert à rien d’invoquer des subterfuges du type «c’est la faute à la polygamie». C’est obscène. C’est tout aussi obscène que d’offrir comme seul horizon à des millions de Français des quartiers la seule perspective entre le ghetto et le gotha du rap, du cinéma et du football.

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