Nicolas Sarkozy est fort. Très fort. Surtout dans l’habilité. L’homme, personnage-clé de la formation politique qui a concentré, dans le précédant mandat, l’intégralité des leviers du pouvoir va accéder au fauteuil suprême en étant exonéré de tout bilan tant il est apparu neuf comme un sou. Mieux encore. Avec une virtuosité et l’art consommé de la prestidigitation, il va gravir cette marche après avoir été honni, abominé, vilipendé et rejeté par son propre camp, il y a douze ans. Il faut pouvoir le faire. Il l’a fait. Bravo l’artiste. Chapeau bas.
Sarkozy est un extrapolitique comme on parle d’extraterrestres. Sorti de l’utérus enrobé dans du placenta politicien, il risque de réussir avec les autres ce qu’il a entrepris avec les siens. Sitôt élu, il a ressenti cette urgence de parler aux autres. Ceux qui voient en lui l’homme sulfureux. A ceux-là, il veut livrer sa part d’humanité.
L’homme agité s’efforce donc d’être impassible et serein. Le personnage inquiétant s’estompe derrière la quiétude feinte, avec talent. L’homme du kärcher ne vociférera plus. Il est comme apaisé. Le tribun au programme libéral et sécuritaire n’a plus besoin de parler à son camp tant celui-ci est à genou, en rang d’oignon, chacun avec une mandoline dans la main pour chanter la gloire du chef. Il n’a plus besoin de les vaincre. Il entreprend alors de traiter soigneusement la défiance qu’il ressent chez une grande partie de l’opinion. Le président s’est vite débarrassé du candidat. Mais le politicien veille.
L’homme des clôtures et des enclos joue habilement l’ouverture. Il prétend rassembler. Il pense exploser. Il entend associer. Il veut surtout assécher. Ce mec, c’est un boa. Il enserre sa proie, lui brise les vertèbres et finit par l’avaler. Il a pratiqué cela en tant que candidat avec l’extrême droite. Il veut le faire, en tant que Président, avec la gauche. S’il réussit son stratagème, celle-ci aura des soucis à se faire parce que, bête comme elle est, elle restera dans l’opposition quinze ans durant. Car après avoir siphonné une grande partie des forces du centre, l’objectif ultime de Sarkozy est de faire péter le parti socialiste avec le rêve, pas impossible, de ne plus avoir d’opposition.
Mitterrand, en 1988, avait, pour sa réélection, vendu aux Français le Ni-Ni. Ni droite ni gauche. Sarkozy est en train de leur vendre le ET-ET-ET : la droite la plus libérale qui s’amourache avec le centre le plus mou ceints par des témoins de noces issus des rangs des socialistes qui se vendent aux enchères. Un chouia de Kouchner, une petite mission pour Allègre, du Gallo et du Tapie. Dans la foire des Judas, on trouvera les plus fidèles de Bayrou se troquant pour que dalle. Tous ces gens là devraient se méfier. Ils risquent de finir tous comme un Azouz Begag.
Après avoir apprivoisé la presse et son camp, Sarkozy va sûrement dominer les deux Chambres législatives. Comme il est, de fait, patron des magistrats, il ne lui restera plus qu’à séduire des syndicats anémiés et laminer ce qui reste d’opposition. Ainsi la France deviendra enfin une vraie démocrature.