La semaine dernière, 220.000 personnes ont engagé l’avenir de la France, pour les vingt années à venir. Il y avait d’un côté les 100.000 personnes qui, le dimanche, ont proclamé, à 82%, Sarkozy nouveau tsar de la droite. Et les 120.000 militants du PS qui, après deux mois de débat, ont voté pour le Traité avec 59% pour le «oui». Comparons les deux événements.
Les chiffres d’abord : 220000 militants forment les troupes des deux plus grands partis de France. A eux deux, l’UMP et le PS, ils incarnent les deux pieds sur lesquels marche la démocratie française. N’en déplaise à tous les hizbicules (vert, rouge, brun) qui les entourent.
Cependant, 220.000 militants, c’est peu. Très peu. Cela constitue moins de 0,4% d’une population de 66 millions d’habitants. C’est dire que la politique n’est pas simplement une affaire de masse. Elle est d’abord une affaire de qualité des règles. Une affaire de qualité des femmes et des hommes qui s’engagent dans la chose publique. Et même si les partis demeurent des faits minoritaires, attirant moins que la Star Académy, ils n’en demeurent pas moins les garants de la démocratie.
Sur le fond, nous avons vécu deux conceptions antinomiques de la politique.
D’un côté, nous avons assisté, dimanche, à l’univers du couronnement, du sacre et de la paillette. L’élection de Nicolas Sarkozy fut un immense raout à coût indécent (6 millions €). C’est, il faut l’admettre, cher payé pour conforter un ego gonflé comme un zeppelin. Tout y était : Des militants qui exultaient devant leur nouveau roi soleil. Des personnalités qui prêtaient, avec agios, leurs notoriétés. L’intégralité du gouvernement au garde-à-vous. Un culte de la personnalité démesuré, exacerbé pour une droite qui a un besoin inexpugnable de la figure tutélaire. Les militants, atteints d’une «sarkozyiste» aiguë, ont fait la fête. Mais dans le même temps ils ont célébré une procession qui avait tout du meurtre du père: Jacques Chirac. Le mercredi, c’étaient les militants du PS qui devaient voter pour le Traité constitutionnel. Tout autre était l’ambiance: Sobre ? C’était peu dire. Austère ? Oui. Rude? Incontestablement. Chacun avait le sentiment de participer à un tournant de l’histoire.
Chacun mesurait en conscience la portée de son vote. En plaidant pour le «non», Fabius a involontairement propulsé au stade de l’événement, ce qui ne devait être qu’un débat interne. Il a indirectement rendu service et au PS et à la politique. Son attitude, pleine de tactique et de cynisme, a peut-être révélé l’Etat de l’Homme.
Elle a, avec la victoire du «oui», amoindri l’homme d’Etat. Et pourtant, en partie grâce à son choix, le Parti socialiste s’est donné en exemple de ce qui devrait être un parti politique : non pas une machine à désigner un chef ou un mentor. Mais un forum de débat et d’idées, une agora d’échange et de choc des sens. Et surtout une fabrique d’espérance. La rénovation politique, en France, passera par l’affrontement de ces deux conceptions. L’avenir nous dira qui de l’une ou l’autre sera victorieuse.