Chroniques

Label marocanité : Le temps des intégrismes

Le monde musulman traverse une période de turbulence sans précédant. Depuis quelques décennies, la religion musulmane connaît des remous profonds, jusque là cantonnés dans ses sphères et propres terres. Ce qui est nouveau, c’est le vaste débat qui agite l’Occident dans son rapport à la dernière des religions révélées. Ce qui est nouveau, ce sont les défis que pose la question de l’intégration de l’Islam dans un système de valeurs qui, bien que profondément d’inspiration judéo-chrétienne, reste largement comme l’aboutissement du combat de la raison. Il repose sur le primat de l’individu, le culte de la liberté de penser, la démocratie avec ses exigences de pluralisme…
Dans plusieurs pays européens, la tension est vive. Extrêmement vive. Et si la funeste théorie de la guerre des civilisations est encore loin d’être validée dans les faits, on ne peut pas en dire autant de la guerre des positions à laquelle nous assistons depuis un certain temps. Si la guerre de civilisation, à Dieu ne plaise, n’est pas encore là. La guerre des valeurs est déjà fortement engagée.
La tension est vive et elle est avivée par un contexte et un maëlstrom où tout se mélange : lutte légitime contre le terrorisme, peurs identitaires, immigration, violences urbaines, discrimination et racisme, populismes hideux alimentés par le développement des extrêmes droites. Autant dire que si débat il y a, il est loin d’avoir la sérénité requise tant il est charrié par l’anxiété et l’irrationnel. De l’expression provocatrice type caricatures danoises à la bévue verbale du pape, en passant par la déprogrammation, à Berlin, d’un opéra de Mozart. De la fatwa lancée, dans la toile, par d’obscurs cybermilitants contre le professeur Redeker, l’obligeant ainsi à vivre caché, à l’annulation, en Espagne, d’une partie de la fête où on avait l’habitude de célébrer un simulacre de la victoire sur les maures. On perçoit le phénomène comme touchant toute l’Europe. Même la tolérante Hollande, certes profondément traumatisée par l’odieux assassinat de Van Gogh, en est venue à vouloir interdire à ses habitants de parler, dans la rue, autre chose que le néerlandais.
Le phénomène ne se contente pas de s’imposer dans toute l’Europe. Il génère, dans ses sillages, comme une juxtaposition des surdités et un face à face de malentendants entre un Occident fier de son libéralisme et de son modèle de société et des millions de musulmans qui vivent, en son sein, toutes les contradictions et imperfections de ce modèle. Avec comme récurrence la plus haute et la plus intolérable des imperfections, très féconde en repli sur soi : l’humiliation. Dès lors, tout devient sujet à susceptibilité, ultrasensible, nitroglycérine. Ce qui n’est pour les uns que liberté d’expression est perçu par les autres comme provocation. Ce qui est pour ces deniers n’est que protestation, menaces irrecevables mises à part, est vécu par les premiers comme intimidation. Ce n’est pas tant une guerre des religions qu’elle n’est une guerre de valeurs. C’est enfin une victoire des démagos et des intégristes de tout acabit.

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