Label marocanité : L’entêtement des faits

De quelle colère divine seraient passibles les Iraniens qui, en moins de quinze mois, ont subi deux sérieuses secousses tectoniques ? Rappelons-nous : celle de Bâm, le 26 décembre 2003, avait fait 41.000 morts et 30.000 blessés. Celle de mardi dernier, à l’heure du laitier et du Muezzin, a comptabilisé, pour l’instant, près de 600 morts.
Les Iraniens sont chiites. Soit. L’Iran est une République islamique qui, depuis vingt-six ans, tarde à se départir du sous-développement, avec une économie très dégradée, un chômage et une inflation très élevés. Soit. Mais plus vertueux et plus musulman, c’est difficile ! N’est-ce pas ? Quelle est donc l’infraction qui leur vaut ces fessées terreuses, en comparaison au tsunami, censé être une vraie raclée divine ?
Où est donc la plume sulfurique du mentor (eur) d’Attajdid ? Serait-elle rangée sous la magnanimité coupable ? Serait-elle subitement devenue muette par solidarité partisane ?
Allons un peu plus loin. Les secousses terrestres, depuis quelque temps, semblent se trémousser sur une musique zouk. Sans parler d’Al Hoceïma, rappelons que, le 21 mai 2003, une vibration de magnitude 7,5 sur l’échelle de Richter, avait fait, à Boumerdès en Algérie, 22.000 morts et 10.000 blessés. Cinq jours plus tard, le lundi 26 février 2003, un tremblement de magnitude de 6,7 s’était produit au Japon, exactement au large de Sendai, mais qui avait fait vibrer les gratte-ciel de Tokyo (à 323 km). Ce dernier, en revanche, n’avait fait quasiment pas de victimes. Dieu serait-Il plus miséricordieux envers les Japonais, ces «mécréants» adeptes de la religion shinto ou bouddhistes, qu’Il ne l’est envers les Indonésiens ? Aurait-Il châtié les Algériens ou les Iraniens alors qu’Il a épargné les Nippons? On voit bien qu’on touche, ici, les limites de l’absurde. Mais la pensée obtuse serait-elle autre chose que la quintessence de l’absurdité !
En vérité, ce sont les Japonais qui ont su, avec un génie bien humain, maîtriser les forces de la nature. Ils ont démontré, tout au long de leur Histoire, en quoi et comment l’Homme peut se surpasser. Plus encore, pour eux, les développements scientifiques et techniques ne sont en rien incompatibles avec la tradition. Ils sont la parfaite illustration de cette combinaison, puisque être plus traditionalistes que les Japonais est un challenge ardu.
Car, au fond, ce qu’on pourra, au Maroc, retenir de l’épisode tsunami, c’est que lorsqu’on pose une question inexacte, on ne peut que s’égarer dans des réponses erronées.
Cela peut être pardonnable. Ce qui l’est moins, c’est la pensée cadenassée. Ce qui l’est moins, c’est la pensée habile : celle qui manipule les faits par opportunisme. Celle qui a une lecture régressive par calcul mesquin, parce que politicien. Celle qui n’entend universaliser de l’Islam que sa part d’anathème, d’excommunication, d’expiation.