Chroniques

Label marocanité : Les ignorés de l’émigration

Le grave accident qui s’est produit, la semaine dernière dans les environs d’Orléans, a fait huit morts et 30 blessés. Il vient allonger la liste des calamités de ce genre dont les plus médiatiques restent celle de juin 2003 avec un autocar parti d’Agadir et qui attendra d’arriver dans les Landes pour se culbuter sur l’asphalte. Ou celle de juin 2004 qui avait fait 11 morts et 39 blessés à quelques encablures de Poitiers. Au Maroc, on commence à s’habituer. Il y a même une procédure rodée. Un rituel. On reçoit l’information comme une fatalité. L’image du bus renversé, brisé ou encastré dans le mur fait la Une. Sa Majesté prend en charge le rapatriement des dépouilles. L’ambassadeur et le ministre se déplacent sur les lieux. La France aussi à ses automatismes. On déclenche un plan rouge. On met en place un hôpital de campagne. Les pompiers se déplacent par brigades et un sous-ministre est réveillé dans la nuit pour aller prendre la mesure du crash.  
L’accident de la semaine dernière n’a pas encore, à ma connaissance, dévoilé tous ses mystères. Il n’est pas difficile de deviner que la complicité de la fatigue et du sommeil sont à l’origine du drame. Sinon, comment comprendre qu’un bus parti de Tiznit et qui, seul et à trois heures du matin, tente, en roulant, d’enjamber un pilon. L’enquête et surtout les assurances ne manqueront pas d’éclaircir ce point. Cependant, il y a un certain nombre de répétitions, presque axiomatiques, qui nous renseignent à défaut de nous enseigner.
D’abord la période. Ce type d’accident se produit systématiquement aux environs de juin. Il sonne comme un avertisseur de la transhumance. Avec ses 3.400.000 Marocains du monde le pays connaît durant la période estivale un incessant va-et-vient, par tous les moyens possibles, et dont les bus restent la part la plus pénible pour ne pas dire la plus maudite. Certains immigrés, peu scrupuleux sur les bords, se sont spécialisés dans ce genre de transport. Ils ne gagnent pas sur le billet qui tourne autour de 200€ aller-retour. Ils font leur beurre sur la remorque qu’ils surchargent de marchandises au prix de près d’un 1€ le kilo. Mais aussi sur le manque de l’entretien des véhicules, sur la surexploitation des chauffeurs, sur la cadence des périples. Les causes de ce type d’accident se trouvent dans cette réalité crue. Sinon comment comprendre que la CTM n’a jamais eu ce type d’accident.
Ensuite, et au regard de la liste, la moyenne d’âge des victimes tourne autour de la soixantaine. Le plus jeune a 47 ans et c’est le chauffeur. C’est dire qu’une partie des retraités et autres invalides de l’émigration marocaine empruntent ce type de transport non pas parce qu’ils le prisent mais tout bonnement parce que leurs précarités et faibles revenus les y obligent. Ils font partie de cette part invisible de l’émigration. Celle qu’on n’exhibe pas comme une réussite. La Royal Air Maroc s’honorerait de leur concevoir une carte senior qui leur permet une mobilité entre un Maroc qu’ils aiment et les pays dans lesquels ils ont, pour une majorité d’entre eux, leurs petits-enfants.

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